mardi 15 mars 2022

Nordistes, sudistes : une affaire de sensibilité

Lu hier : « Handball : les Sudistes attendus. » (Clicanoo.re)

Sans vouloir dénigrer le niveau de jeu des handballeurs du Tampon et de Saint-Pierre, dont il s’agit dans l’article de Clicanoo, je ne suis pas convaincu. Pas convaincu qu'il soit bien raisonnable d'affubler d’une capitale le « s » initial du mot « Sudistes » lequel, par métonymie, désigne en la circonstance les joueurs des deux équipes. 
La question a de quoi nous faire perdre le nord. Et n’attendez pas de mon GPS typographique qu’il vous guide jusqu’à une règle implacable. Il n’en existe pas. À défaut, voici quelques pistes de réflexion et mon modeste avis sur le thème du jour.

En dehors des dictionnaires usuels, les spécialistes de la langue française ne s’épanchent guère sur le sujet. C’est habituel quand la question dérange. Mais qu’il s’agisse des soldats confédérés de la guerre de Sécession ou de toute personne vivant dans la partie méridionale d’un continent, d’un pays, d’une ville ou d’un quelconque repère géographique, l’emploi de la minuscule semble faire l'unanimité. « Attention, jamais de majuscule ! » prévient Larousse quand Robert, indécis ou tête en l'air, écrit « les Nordistes ou les Fédéraux » mais une ligne plus bas, évoque les contraires « Confédéré » et « sudiste ». Bizarrement, Edouard Trouillez et Géraldine Moinard, qui arborent les couleurs de la même maison, prônent l'absence de majuscule. Littré, lui aussi, se positionne clairement en faveur de la minuscule (« la défaite des sudistes à Appomattox »), tout comme Jean Girodet. À partir de là, au nom de quel privilège accorderions-nous à nos handballeurs « péi » une capitale initiale à laquelle même les partisans du général Lee n’ont pas eu droit (les nordistes de Grant non plus, d’ailleurs) ?

Le cas du terme « nordiste » est autrement compliqué. C’est ce qu’explique Bruno Dewaele sur son excellent blog « À la fortune du mot ». En effet, qui peut se prévaloir d’être un Nordiste porteur de majuscule ? Les habitants du département du Nord ? Le contraire serait étonnant, puisque c’est là leur dénomination officielle. Comme on écrit les Alsaciens, les Manchois ou les Gardois, on écrira fort logiquement les Nordistes.

Mais quid de leurs voisins des Hauts-de-France ? Pas sûr que les Lensois et leurs amis béthunois, boulonnais, calaisiens et audomarois (habitants de Saint-Omer) verraient d’un bon œil le fait d’être privés d’une majuscule que Lillois, Avesnois (habitants d’Avesnes-sur-Helpe), Douaisiens, Dunkerquois et Valenciennois portent avec fierté. 
« Neuf fois sur dix, quand les Français parlent des nordistes, ils n'ont pas seulement en tête les habitants du département, mais bien plus, souligne Bruno Dewaele. Je n'irai pas jusqu'à accréditer la plaisanterie selon laquelle est nordiste tout ce qui crèche au-dessus de Paris, voire, pour les Marseillais, au-dessus de Lyon ! Mais, blague à part, l'habitant du Pas-de-Calais est pour moi un nordiste, et sans doute aussi celui de l'Aisne ou de la Somme. Il est bien évident dans ces cas-là que c'est par référence au nord de la France : ce sont des gens qui habitent au nord plus que dans une structure bien délimitée, qu'elle soit départementale ou régionale. Je sens plus là-dedans le point cardinal (ceux qui demeurent tout là-haut) qu'autre chose », argumente l’ancien lauréat des Dicos d’or, visiblement partisan de la minuscule dans l’acception élargie du substantif « nordiste ». 

Du côté des médias, on semble également vouloir mettre tous les Nordistes (ou nordistes) dans la même « mand’lette » (panier à linge en chti). Celui de la majuscule, cette fois. « Les Nantaises ramènent un partage des points plutôt logique de leur périlleux déplacement chez les Nordistes », écrit Ouest-France au sujet des footballeuses lilloises. « Les Nordistes, désormais 7es, ont pour le moins offert une entame discrète et, quand ils sont apparus enfin percutants, le résultat a été particulièrement cruel », cautionne L’Equipe dans un article consacré au club de football de Lille. 
« Et alors que les Nordistes poussaient pour revenir, l'héroïne du jour marquait cette rencontre de son empreinte », relate Paris-Normandie, évoquant les footballeuses lensoises. « Pour les Nordistes, ce match nul (1-1) lors de la 17e journée de Ligue 1 a le goût du regret », publie le très sérieux Le Monde, pourtant très peu porté sur la majuscule. Quant au quotidien local La Voix du Nord, il ne fait pas le tri, regroupant Lillois ou Lensois sous la même bannière, celle des Nordistes.  

Prudent, Dewaele, le Chti pur maroilles, préfère adopter une attitude de Normand et se montrer « tolérant sur un problème qu'apparemment personne n'est parvenu à résoudre. Pour le reste, c'est affaire, je le crains, de sensibilité personnelle… », conclut-il.
La mienne (de sensibilité) me souffle avec insistance d’employer « sudistes » lorsqu’il s’agit des habitants du sud de La Réunion, de Nordistes pour ceux du département du Nord et de « nordistes » pour ceux des Hauts-de-France. Et que vous suggère la vôtre ?

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