Sans vouloir lui faire offense, je ne suis pas certain que mon ancien confrère ait réellement voulu dire ce qu'il a écrit. Prétendre qu'Emmanuel Macron souhaite « temporiser sur une nouvelle dissolution » reviendrait en effet à accréditer son intention de nous renvoyer aux urnes, mais qu'il lui reste à définir quand… L'Académie n'écrit-elle pas que « temporiser », c'est « différer une action, une décision dans l’attente d’une occasion favorable, d’un temps plus propice » ? Sous des formes légèrement différentes, Larousse et Robert ne disent pas autre chose. Or, pas sûr que notre cher président veuille vraiment passer à l'acte. Pas sûr non plus que l'emploi du verbe « tempérer » (modérer, atténuer, diminuer la force, calmer le jeu), auquel on substitue souvent et à tort son paronyme « temporiser », eût constitué un meilleur choix. Dans le jargon du rugby, on dirait que notre Manu national a simplement cherché à botter en touche.
N'ayons pas peur des mots
Les pièges de la langue française vus au travers de l'actualité réunionnaise
samedi 5 juillet 2025
Singulière pluralité
Suite au désengagement du Département, une enveloppe de subvention de 1,8 millions d’euros avait été engagée […] (extrait d'un communiqué du conseil régional publié sur le site linfo.re).
Le saviez-vous ? La pluralité ne répond pas aux mêmes règles selon que l'on se trouve d'un côté ou de l'autre du Channel. Chez nous, les Gaulois, le pluriel débute à partir de 2 (inclus) alors qu'en anglais, comme en espagnol d'ailleurs, il prend naissance après 1 (non inclus, donc). Ainsi, quand nous déboursons 1,99 euro pour notre de litre de gazole, nos voisins d'outre-Manche le paient…1,99 euros. Singulière différence, isn't it ?
vendredi 4 juillet 2025
Petit coup de scalpel
« Atteint d’une cardiopathie congénitale, le petit Shaurya a fêté ses quatre ans aux côtés de sa maman. Lui et sa mère sont en métropole pour son traitement. Pour rappel, il a reçu une opération du cœur le 18 avril 2025 et est encore en convalescence. » (linfo.re)
Mon interviention du jour sera courte et bénigne : un patient subit ou fait l'objet d'une opération chirurgicale, il ne la reçoit pas, même si, comme dans le cas du petit Shaurya, il s'agit d'un véritable don du ciel. La faute méritait bien un petit coup de scalpel.
vendredi 27 juin 2025
La contrainte de l'usage
Je ne comprends pas la vague de popularité dont jouit actuellement l'adjectif « contraint ». Il n'y aurait rien à y redire si ledit terme était employé aux sens qui sont les siens (obligé de, gêné, mal à l'aise) et non comme un synonyme de restreint, réduit, resserré, limité, étriqué… Or, on ne compte plus les budgets contraints, les pouvoirs d'achat contraints, les effectifs contraints ou les nombres contraints de places disponibles pour dire qu'ils sont à la baisse. Nos dictionnaires usuels vont-ils encore résister longtemps à la contrainte de l'usage ?
vendredi 20 juin 2025
Rigidité cadavérique
« Des paroles qui, toujours selon lui, resteront lettres mortes, jusqu'à ce que le Département lui adresse une mise en demeure de reprendre son poste, le 10 mai 2023. » (Zinfos974)
La tentation est grande de vouloir accorder la locution « lettre morte » quand le sujet auquel elle se rapporte est au pluriel. Eh bien ! ce serait une erreur, nous dit l'Académie, dans la neuvième édition de son dictionnaire, récemment bouclée après quarante-cinq ans de dur labeur : « Lettre morte (toujours au singulier), se dit d’un texte de nature juridique (titre, pouvoir, traité, etc.) qui est devenu sans effet, qui n’a plus ni autorité ni valeur ».
Sans autre forme d'explication, Larousse (« Nos demandes sont restées lettre morte »), Robert (« Tous mes conseils sont restés lettre morte »), Grevisse et Hanse confirment cette invariabilité qui pourrait paraître bien singulière aux yeux des modestes usagers de la langue que nous sommes.
Notez enfin que de nos jours, l'expression s'est affranchie du cadre juridique au sens de « ne pas être pris compte, être inutile ». Témoin ces exemples puisés au hasard de la Toile : « Les promesses du PACE Bill et d’autres réformes restées lettre morte » (L'Express de Maurice) ; « Nuisances à Lasclaveries : le SOS lancé au président de la République reste lettre morte » (La République des Pyrénées) ; « “Les Suppliques”, pièce poignante pour que le passé ne reste pas lettre morte » (Télérama).
Ou encore : « La réforme de l’orthographe est-elle restée lettre morte ? » (Marie-Éva de Villers, CCDMD, Correspondance, vol. 4, n° 1).
Poser la question, n'est-ce pas déjà y répondre ?
dimanche 15 juin 2025
Conclave, pas d'accord à l'horizon
« Les socialistes devront par ailleurs tenter de se mettre d'accord sur deux sujets: y aura-t-il des motions de censures du PS à l'issue du conclave sur les retraites et sur la préparation du budget ? » (Le Quotidien de La Réunion)
L'autre jour, j'écoutais sur les ondes d'une radio locale un sujet consacré à ce fameux « conclave sur les retraites » qui n'en finit plus. Profitant de l'occasion, l'animateur de l'émission fit remarquer sur le ton revêche d'un prof de lettres en fin de carrière que « conclave » n'était à l'évidence pas le terme adapté à ce type de réunions séculières. « La langue française est riche en mots, autant s'en servir », lança-t-il, outré qu'une telle entorse aux bonnes mœurs langagières puisse venir du sommet de l'État.
Mes aïeuls ! J'avoue que cette digression sémantique ne manqua pas de m'intriguer. Passé ma surprise de voir l'intérêt soudain porté par de ladite radio au respect du bon usage, je me tournai séance tenante en direction de mes vieux dictionnaires. Pour Larousse, Littré et l'Académie, un seul credo : le conclave est l'enceinte où s'enferment les cardinaux pour élire un nouveau pape et par ricochet, l'assemblée elle-même. Tout autre emploi serait donc péché. Oui mais voilà, il y a toujours une éminence grise de la langue pour venir semer la zizanie dans la basse-cour. À l'encontre de l'avis de ses coreligionnaires, Robert estime en effet qu'au sens figuré, le mot peut aujourd'hui désigner toute « assemblée décisionnaire », quelle qu'en soit la nature.
En attendant que nos grands spécialistes de la langue trouvent un jour un accord sur l'emploi du terme du jour, ce dont je doute fort, nos seniors continuent de se faire des cheveux blancs au sujet de leur avenir. Après cinq mois d'intenses négociations, il n'y a toujours pas la moindre fumée poivre et sel dans le ciel de Matignon.
samedi 14 juin 2025
Naufragés de l'espace-temps
« […] (le moratoire sur l’interdiction des produits plastiques non bio-dégradables à usage unique) a ensuite été prolongé et n’a jamais été appliqué. Maintenant, le Conseil des ministres vient de le prolonger une fois encore. Les prolongements donnent un mauvais signal aux industries polluantes qui font très peu d’efforts pour adopter les alternatifs biodégradables qui existent sur le marché local. » (L'Express de Maurice)
Deux substantifs pour un même verbe, ouïe ! ouïe !, c'est le mal de crâne assuré. Hélas ! le cas qui nous occupe aujourd'hui n'échappe pas à la règle, car si tous les deux sont des dérivés de « prolonger », « prolongement » et sa fausse jumelle « prolongation » ne sont pas synonymes. Les dictionnaires usuels (Larousse, Robert, Littré) scandent en chœur que le premier fait appel à la notion de temps quand la seconde s'emploie dans un contexte spatial. Partant, on parlera de la prolongation d'un séjour, d'un congé, d'un délai ou tout simplement d'une prolongation ou de prolongations dans le domaine sportif… mais du prolongement d'une route, d'une ligne de chemin de fer ou du muscle occipito-frontal .
L'affaire serait bonne à classer sans suite si, au pluriel, « prolongements » n'était unanimement admis au sens de conséquences, de rebondissements. Voilà qui nous ramène à un aspect on ne peut plus temporel et nous renvoie du même coup à la définition du mot en vigueur jusqu'au XVIe siècle, « accroissement de la durée », acception que l'Académie continue de défendre mordicus, exemple à l'appui : Il a obtenu un prolongement de son contrat d’un an. Vous l'avouerez, la position adoptée quai Conti n'est pas de nature à éclaircir nos idées. Aussi, comme bon nombre de spécialistes de la langue – que je ne suis pas –, je rejoindrais sans hésiter le toujours très pragmatique Bruno Dewaele quand il estime que la confusion de sens n'a que trop duré : « Cela dit, écrit-il, il faut se réjouir qu’aujourd’hui un peu d’ordre ait été mis dans les attributions de l’un et de l’autre terme, après une évolution pour le moins incertaine, voire chaotique… » Je vous suggère d'ailleurs d'aller prolonger votre quête de savoir sur son excellent blog À la fortune du mot. Promis, juré, vous n'y perdrez pas votre temps.
samedi 7 juin 2025
Porte d'Auteuil, on ne mélange pas les genres
Il y a quinze jours, Loïs Boisson n'intéressait personne. Et voilà que d'un coup de raquette magique, son nom s'est retrouvé propulsé à la une des gazettes sportives. Une 361e joueuse mondiale, française de surcroît, en demi-finale de l'Open de France, qui l'eut cru, en effet, surtout à une époque où l'on nous rebat les oreilles avec la crise du tennis féminin tricolore ?
En chœur, les médias ont salué la force de caractère de la jeune fille, son apparente insouciance, son parler franc, son coup droit de bonhomme, mais aussi l'une de ses armes favorites : l'amorti du fond du court, selon les uns, l'amortie du fond du court pour les autres, parfois les mêmes d'ailleurs. C'est ainsi qu'en farfouillant sur le Net, j'ai déniché le mot employé au masculin chez L'Équipe, plusieurs fois, Le Parisien et Ouest-France, et je l'ai rencontré au féminin chez… L'Équipe, plusieurs fois, Le Parisien et Ouest-France, pour ne citer que les principales têtes de série de la presse écrite consultées. Si ce n'est pas de l'hésitation, ça y ressemble fort.
Alors, amorti ou amortie ? Disons-le tout de suite, la réponse à cette interrogation est aussi peu aisée à trouver que le geste en question à réaliser. Et comme souvent, les spécialistes de la langue se posent en champions de l'embrouille. Quand Larousse et Robert font du mot du jour un nom exclusivement masculin, l'Académie les prend à contre-pied et invite à opérer un plus subtil – et plus logique – distinguo. « Une balle amortie ou, elliptiquement et substantivement, une amortie », nous dit-elle, est une « balle frappée de telle sorte qu’elle ne rebondisse que faiblement dans le camp adverse et le plus près possible du filet ». En revanche, « un ballon amorti ou, elliptiquement et substantivement, un amorti », est « un ballon que l’on arrête ou que l’on freine dans sa course ».
Doit-on en déduire qu'il existerait deux langages à la porte d'Auteuil, selon que l'on fréquente les tribunes populaires du « Parc » ou les allées chics de « Roland » ?
mercredi 21 mai 2025
La tête dans le guidon
Encore un journaliste qui perd le contrôle de sa plume ? Oui et… non. Oui, si l'on se réfère aux ouvrages justement dits de référence, unanimes pour affirmer que LE motocross, avec ou sans trait d'union, est une « course ou randonnée effectuée en motocyclette, en terrain accidenté et en dehors des routes », pour reprendre la version fournie par l'Académie. Non, au regard de l'usage courant, toujours prompt à mettre les gaz dès qu'il s'agit de sortir des sentiers battus.
Et une fois n'est pas coutume, on peut difficilement lui donner tort. Qui a fréquenté peu ou prou les paddocks des sports mécaniques vous dira en effet que dans le jargon spécialisé, le terme motocross désigne non seulement les activités évoquées plus haut mais aussi leur discipline de tutelle et, au féminin, l'engin pétaradant et peu écologique sur lequel évoluent les pilotes. On parlera donc tout aussi bien de la commission internationale de motocross (la discipline), d'une motocross de compétition (la machine) ou du motocross de Saint-Menoux (l'épreuve) qui, pour la petite histoire, a soufflé sa 41e bougie le 5 mai dernier.
Que cette évolution langagière ait échappé aux vieux sages du quai Conti n'étonnera personne. Que sur le sujet, Larousse et Robert soient eux aussi restés le nez dans le guidon est autrement surprenant.
lundi 19 mai 2025
À quel(le) saint(e) se vouer ?
« Ce projet, on veut nous l'imposer dans le dos des Saint-Mariens et des Saint-Mariennes. » (linfo.re)
Ainsi parlait Richard Nirlo, réaffirmant sa volonté de voir jeter aux ordures l'encombrant projet d'installation d'un site de stockage de déchets ultimes sur sa commune. Nous mettrons donc sur le compte de la colère le fait que le maire de Sainte-Marie ait écorché le nom de ses administrés. À sa décharge, nous ne sommes jamais à une bizarrerie près en matière de gentilés, termes, je le rappelle, désignant les habitants d'un lieu, petit ou grand, de notre planète ou d'ailleurs. Qui devinerait, à moins d'y vivre, que les personnes domiciliées à Saint-Bonnet-le-Château se nomment les Cacamerlots, que Longcochon abrite les Couchetards ou qu'à Villechien on trouve les Toutouvillais ?
En réalité, la formation des gentilés ne répond à aucune convention grammaticale précise et laisse souvent libre cours à l'imagination. Or, Dieu sait que dans ce domaine, comme dans le choix des prénoms, elle peut être débordante. La pratique la plus… commune consiste toutefois à conserver la racine du nom et de l'affubler des suffixes « ois », « ien » ou « ais ». C'est comme cela qu'un beau jour, les habitants de Paris devinrent les Parisiens, ceux de Caen, les Caennais, et ceux de Cannes, les Cannois.
L'affaire peut se compliquer quand le gentilé débute par un adjectif tel que « Saint(e)- », « Haut(e)- » ou « Petit(e)- ». Doit-on parler de Haute-Garonnais ou de Haut-Garonnais ? De Petite-îlois ou de Petit-îlois ? À Sainte-Maxime, comme à Sainte-Foy-lès-Lyon ou à Sainte-Geneviève-des-Bois, on a résolu le problème en supprimant ledit adjectif, ce qui a donné les Maximois, les Fidésiens et les Génovéfains. Pas très simple à retenir, mais au moins, cela évite les accords peu seyants.
Preuve de la cacophonie ambiante, les communes du même nom engendrent rarement les mêmes gentilés. S'il vous prend l'idée de vous établir Sainte-Colombe dans le département de la Manche, vous deviendrez un Sainte-Colombien et vous, madame, une Sainte-Colombienne. Si votre choix se porte sur Sainte-Colombe dans le Lot, vous serez un Saint-Colombin et votre douce aimée, une Saint-Colombine, mais si vous élisez domicile à Sainte-Colombe, paisible village de quelque 400 âmes situé au cœur de la Gironde, vous viendrez grossir les rangs des Colombins et des Colombines.
Tradition religieuse oblige, La Réunion compte neuf communes dont le gentilé commence par « Saint- » et trois par « Sainte- » : Sainte-Rose, Sainte-Suzanne et celle qui nous occupe aujourd'hui, Sainte-Marie. Souci de simplicité, d'harmonisation ou pur hasard – je pencherais pour le pur hasard –, il a été décidé de préserver intact l'adjectif « Sainte- », sans distinction de sexe. De fait, de la même façon que nous parlons d'une Saint-Louisienne ou d'une Saint-Pierroise, nous parlerons d'un Sainte-Rosien, d'un Sainte-Suzannois (ou Sainte-Suzannien, selon l'historien Prosper Ève) et d'un Sainte-Marien. N'en déplaise, messieurs, à votre orgueil de mâle, que je vous invite à enterrer le plus profondément possible.
samedi 10 mai 2025
Ça sent la faute...
La faute ci-dessus me rappelle ce jour lointain où, accompagné de mon épouse, je visitais le sublime Jardin des parfums et des épices, à Saint-Philippe. Nous nous apprêtions à quitter cette délicieuse caverne d'Ali Baba des senteurs quand mes yeux se portèrent par hasard sur une série de produits élaborés à partir de la… « cardamone ». Affolé, je courus illico presto signaler à la belle plante affectée à l'accueil que le nom du condiment en question, descendant du latin cardamomum et du grec kardamômon tout de même, ne s'écrivait pas ni ne se prononçait « cardamone » mais bien « cardamome », eu égard aux graines d'amomes contenues dans cette épice réputée pour ses vertus stimulantes et digestives. Ce fut visiblement peine perdue. Bien des années après mon agréable mais inutile passage, le site web du lieu continue de nous inviter à découvrir ce « trésor de la nature réunionnaise », ses fougères, ses orchidées, ses palmiers, ses arbres fruitiers, ses plantes à parfums ou à épices, le vétiver, l'ylang-ylang, le giroflier, la vanille et la… fautive « cardamone », ce qui semble n'altérer en rien le plaisir olfactif des visiteurs qui se pressent chaque jour aux portes de cet endroit magnifique que je vous recommande. Peu importe l'orthographe figurant sur le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse des sens.
vendredi 9 mai 2025
Le pléonasme ne connaît pas la crise
« Éducation, santé, services publics, droits des travailleurs, conditions de travail, récession économique dans certains secteurs, rien ne s'arrange en Guadeloupe comme dans l'Hexagone. » (Outre-mer la 1ère)
Le pléonasme ne connaît pas la crise. Dans la série « Le trop est parfois l'ennemi du bien », je vous présente aujourd'hui l'expression fautive « récession économique ». Avouez que la tentation vous a déjà effleurés d'accoler ces deux mots dont l'association n'est pourtant rien d'autre qu'une grossière redondance. Pour rappel, lorsqu'elle ne désigne pas en termes d'astronomie un éloignement progressif des galaxies, la récession est une baisse de l'activité économique. Et il en est ainsi, que vous vous tourniez vers l'Académie, Robert, Larousse ou quelque autre gardien du bon usage. En résumé, employer la locution « récession économique » revient à parler de « diminution, de recul ou de fléchissement de l'activité économique… économique ». Pas très économique tout ça ! En cette époque de chasse au « gaspi » qui est la nôtre, ne dépensez donc pas votre encre ou votre salive pour rien.
mercredi 30 avril 2025
Un besoin urgent d'adaptation
Deux substantifs (acclimatation, acclimatement) pour un même verbe (acclimater) : ouh là là ! ça sent déjà l'embrouille. À quelques exceptions et à quelques nuances près, les spécialistes de la langue s'accordent cependant pour différencier les deux termes. Selon eux, l'acclimatation réclamerait l'intervention de l'homme alors que l'acclimatement serait un phénomène spontané. On parlera donc de l’acclimatation d’un ours de l’Oural à la douceur des Pyrénées mais de l’acclimatement de l’homme au froid polaire. L’ours bénéficiera de l’aide humaine alors que l’homme ne devra compter que sur lui-même… et sur quelques vêtements chauds.
Seulement voilà, cette distinction a presque totalement disparu de l'usage courant où « acclimatation » s'est aujourd'hui étendu à tout type d'adaptation, qu'elle concerne une plante, un animal ou un être humain. Un détour sur la Toile suffit à s'en convaincre : 45 occurrences pour « acclimatation » lors du mois écoulé,… zéro pour « acclimatement ». Le résultat est sans appel. Nos grands penseurs vont devoir s'adapter.
vendredi 25 avril 2025
Les lettres muettes, ça vous parle ?
Les lettres muettes, ça vous parle ? Le drame avec ces demoiselles, c'est que, par définition, elles ne nous disent rien. À l'oral… s'entend. Car à l'écrit, elles sont la plupart du temps chargées d'une signification précise et il peut être fâcheux de les oublier. Ou d'en ajouter là où il n'en faut pas. Riz ou ris ? Différent ou différend ? Dessin ou dessein ? On ne compte plus les confusions causées par ces homophones qui avancent visage masqué. Tenez, prenez les noms « parti » et « partie », très présents dans nombre d'expressions usuelles. Doit-on écrire « prendre parti » ou « prendre partie » ? « Prendre à parti » ou « prendre à partie » ? Nous nous sommes tous un jour posé la question.
Sachez donc que dans « tirer parti de » (exploiter, utiliser), le nom masculin « parti » désigne le bénéfice, le profit, l'avantage. Dans « prendre parti » (choisir, opter), il a le sens de « position », « attitude nette », et il équivaut à « décision », « jugement », « opinion préconçue » dans « parti pris ». En revanche, dans « prendre à partie » et « être juge et partie », nous avons cette fois affaire au substantif féminin « partie » au sens juridique de « personne impliquée dans un procès », « adversaire ».
J'espère que ce modeste post vous aidera à ne plus vous en remettre à la seule bienveillance du hasard. Et si ce n'est pas le cas, j'essaierai d'en prendre mon parti.
samedi 19 avril 2025
L'avenir sur le banc des accusés
On n'est en effet à l'abri de rien. Y compris de voir l'avocate d'un détenu violent prise en flagrant délit de pléonasme. Nul besoin de me lancer dans une interminable plaidoirie pour vous convaincre, mesdames et messieurs les jurés de la langue, que la locution « à l'avenir » n'est, dans l'affaire qui nous occupe, qu'un effet de manche bien inutile. Un simple « recommence » eût suffi à exprimer le sens recherché. Puisque je vous tiens, notez qu'affubler « d'avenir » projets, projections ou perspectives est tout aussi condamnable, au même titre que ce bel avenir que nous avons devant nous et dans lequel, Dieu sait pourquoi, nous semblons rentrer à reculons.
dimanche 13 avril 2025
Salutations non agréées
Il est loin le temps où un certain Jacob de Banc, marchand de son état, écrivait à Mme. de la Mothe : « Je vous prie aussi de faire mes très humbles baisemains à Mademoiselle de la Buffière. Je suis, avec tout le respect possible, Madame, Votre très humble et très obéissant serviteur. » À chaque époque, son code des bonnes manières. De nos jours, les formules ampoulées ont cédé le pas à des tours plus expéditifs et aussi plus impersonnels du genre : « respectueusement », « sincèrement », « mes amitiés », « (bien, très) cordialement », « à + », « bye » , « ciao » ou la très en vogue « bien à vous (à toi) » qui, à mon grand agacement, ne cesse de proliférer dans nos boîtes aux lettres, réelles ou virtuelles.
Parmi toutes ces locutions censées clore nos échanges épistolaires ou numériques, il en est une à éviter à tout prix. Ainsi, n'écrivez jamais « Veuillez agréer, madame, monsieur, l'expression de mes salutations », fussent-elles distinguées, respectueuses, sincères ou cordiales, les spécialistes de la langue vous feraient les gros yeux. Croisement impropre de « Veuillez agréer l'expression de mes sentiments » et de « Veuillez agréer mes salutations », la tournure n'a pas reçu l'agrément des défenseurs des bons usages. L'Académie, bien qu'affirmant n'exercer « aucun magistère en matière de codes sociaux », se permet cependant de rappeler que l' « on ne peut transmettre que l’expression d’un sentiment, d’une attitude (respect, hommage, etc.). On peut seulement dire « (…) agréer mes salutations ». Conclusion : « l’expression de mes salutations » est une sorte de non-sens ». Est-il besoin de préciser que dans l'usage courant, la bougresse continue de passer comme une lettre à la poste ?
À bientôt !
jeudi 10 avril 2025
La manie d'en dire trop
« Le maire de la commune, Maurice Gironcel, se dit abasourdi, les administrés ne cachent pas leur déception. » (linfo.re)
Arrêtez-moi si je me trompe, mais par définition et jusqu'à preuve du contraire, un principal est à la tête d'un collège, un proviseur a la charge d'un lycée et, pour reprendre l'exemple ci-dessus, un maire dirige une commune (ou une ville). Alors, à quoi bon se sentir obligé de le préciser ? Il faut croire qu'à force d'avoir peur de ne pas en dire assez, l'usager de la langue en dit parfois un peu trop. À tel point que le pléonasme du jour (maire de la commune) passe aujourd'hui aussi facilement qu'un vote de budget annuel au conseil municipal de Sainte-Suzanne lequel, si j'en crois certains récents articles de presse, ne serait guère regardant sur le fond.
mercredi 9 avril 2025
Les dessous d'un héritage
« Une langue est faite pour transmettre le meilleur d'hier à ceux qui viendront demain ». Comment ne pas souscrire à cette affirmation de l'écrivain Dominique Noguez ? L'honnêteté oblige cependant à reconnaître que les termes du testament ne sont pas toujours d'une clarté absolue. Prenez le cas du verbe « hériter ». Génération après génération, les linguistes semblent d'accord sur le fait que lorsqu'il est suivi du nom du donateur, ce dernier doit être introduit par la préposition « de ». « Jean-Claude a hérité de sa tante. ». Ils le sont tout autant pour dire qu'accompagné de deux compléments, le donateur et le fruit de l'héritage, il convient d'utiliser la construction « hériter quelque chose de quelqu'un ». « Jean-Claude a hérité de l'âne de sa tante.
» Cela, nous dit-on, a pour avantage d'éviter la répétition du « de » et, en conséquence, la confusion entre les deux compléments. Mouais… OK, même si l'être humain ne cessera de nous étonner, je le crois suffisamment bien constitué intellectuellement pour saisir que dans une expression telle que « Jean-Claude a hérité de l'âne de sa tante », c'est bien l'équidé l'embarrassant objet de l'héritage.
Mais tout a une fin, et la belle concorde bat de l'aile quand « hériter » a pour seul complément l'objet de la succession. Alors que la majorité des spécialistes de la langue (Académie, Girodet, Colin, Capelovici, Thomas…) estime obligatoire l'emploi de la préposition « de », la minorité, Hanse et Grevisse en tête, juge les deux tournures correctes : « Jean-Claude a hérité d'un âne » ou « Jean-Claude a hérité un âne ». Dans les deux cas, je souhaite bon courage à Jean-Claude.
Les dissidents nous rappellent en effet que, né du latin chrétien hereditare, « hériter » a d'abord signifié « donner quelque chose en héritage à quelqu'un » (XIIe siècle), puis « recevoir, recueillir », verbes qui exigent un complément d'objet direct. À l'époque, on héritait une tradition, des idées, détaille Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française. La construction « hériter quelque chose » serait donc, en quelque sorte, une conséquence de l'acception aujourd'hui disparue. De nos jours, l'usage a clairement fait son choix et opté pour le tour « hériter de quelque chose ». Certains auteurs et plus rarement certains médias continuent cependant d'entretenir une survivance du passé. Pas plus tard que le 23 décembre dernier, le Figaro écrivait ainsi : « Près d'un an après avoir quitté Matignon, la députée du Calvados hérite le portefeuille de l'Éducation nationale. » Insécurité dans les établissements scolaires, harcèlement scolaire, mal-être et grogne des enseignants, baisse des vocations, recul du niveau des élèves, polémique autour de Parcoursup… Le legs a tout du cadeau empoisonné.
lundi 7 avril 2025
Quand la presse perd la boussole
Cap sur la phrase ci-dessus. Quelle qu'elle soit, la métropole dont il est question dans l'article n'a aucune chance de se situer, comme indiqué par erreur, au sud de l'Angleterre. Car, si je ne m'abuse, il n'y a que de l'eau au sud de l'Angleterre, mais pas la moindre cité, fût-elle engloutie. L'auteur du « papier » devait être un peu à l'ouest pour confondre ainsi les tours « au sud de » et « dans le sud de » qui, bien que phonétiquement voisins, décrivent des réalités géographiques fort distinctes. Suivie d'un point cardinal, la préposition « à » (ou « au ») définit en effet un endroit extérieur au lieu de référence, alors que « dans le, la ou les », toujours suivie d'un point cardinal, s'applique à un point à l'intérieur dudit lieu de référence.
Partant de là, on dira à juste titre que Cherbourg se trouve dans le nord du département de la Manche, mais que le département de la Manche se situe à l'est de la Bretagne.
En revanche, il est impropre d'écrire :
– « Guerre au Proche-Orient : intenses combats au nord de Gaza, appels à négocier » (Ouest-France)
Encore un journaliste qui a perdu la boussole !
Stupéfiant trafic
« Surprise et étonnement. » Même si, comme l'écrivit le romancier américain Stephen King, “l’humour est presque toujours la colère maquillée”, Maurice Gironcel n'était sans doute pas suffisamment en pétard pour se laisser tenter par la coquine saillie qui lui tendait les bras, vendredi, à l'annonce de l'arrestation de son « dircab » (c'est comme ça qu'il faut dire de nos jours), pris la main dans le sac pour trafic de zamal entre La Réunion et l'île Maurice. Peu importe. Jamais à un jeu de mots près, certains sites d'information locaux (voir l'extrait d'article cité en introduction de cette chronique) ont manifesté plus d'audace. Dieu merci, il n'était pas là question d'assassinat. J'imagine déjà les titres : « M.X assassiné, la population abattue ».
Remarquez, c'est de bonne guerre. Et pour être franc avec vous, à l'époque où je sévissais au sein d'une rédaction de la place, je n'étais jamais avare en formules aguicheuses pour attirer le chaland. J'aurais donc presque souri au trait d'humour un peu facile de mes anciens confrères de Zinfos974 s'il ne m'avait semblé y déceler une grossière erreur de français. Semblé seulement, car après enquête, j'accorderai à l'auteur de l'article le bénéfice du doute. La majorité des linguistes jureraient pourtant, leur Bescherelle sur le cœur, que mon ancien confrère a été victime de la confusion souvent observée entre l'adjectif « stupéfait » et le participe passé « stupéfié ». Et selon les mêmes sources, quand il ne s'emploie pas absolument (sans complément), le premier est toujours suivi de la préposition « de » (elle-même suivie d'un infinitif), contrairement au second, qui exige « par ». Partant de ce principe, il eût été plus correct d'écrire que « Maurice Gironcel » a été stupéfait d'apprendre l'arrestation de son directeur de cabinet », mais qu'il « a été stupéfié par l'arrestation de son fidèle bras droit ».
Seulement voilà, à la stupéfaction générale (notez que « stupeur » marche aussi), l'Académie nous sert un étonnant discours : « Stupéfait et stupéfié ont le même sens. On peut ainsi dire "Il a été stupéfié de l’apprendre" et "Il a été stupéfait de l’apprendre" », nous dit-elle, rejoignant ainsi Michèle Lenoble-Pinson (Le Français correct) lorsqu'elle affirme : « Le participe passé "stupéfié" peut s'utiliser comme adjectif synonyme. "Je suis encore tout stupéfié de votre intrépidité" (Voltaire). » En revanche, quai Conti, on condamne fermement le tour "être stupéfait par", le verbe « stupéfaire » n'étant qu'une invention de l'usage, de même que son pseudo-participe passé « stupéfait ». Mais ça, c'était avant que Larousse et Robert ne leur donnent officiellement naissance, légitimant leur initiative par le fait que nombre d'écrivains de renom les ont employés. Par conviction, parfois. Par erreur, le plus souvent. Quel trafic ! J'en reste bouche bée.
mercredi 2 avril 2025
Qui peut le plus peut le moins
Réduire au minimum. L'expression est à tout le moins ambiguë, n'est-ce pas ! Tout comme sa cousine « réduire au maximum », d'ailleurs. Que signifie-t-elle au juste ? Que l'on veut procéder à une insignifiante réduction ou au contraire, réduire le plus possible jusqu'à atteindre la valeur minimale de ce que l'on cherche à diminuer ? Pour le savoir, il suffit la plupart du temps d'examiner le contexte. Et dans le cas présent, tout s'éclaire : il ne fait aucun doute que les autorités souhaitent adopter le dispositif de sécurité le plus fiable, et non le plus faible qui soit, afin de se rapprocher au maximum du degré zéro en matière de risque requin. Avouez que l'interprétation aurait été moins limpide si l'on nous avait annoncé que le gouvernement s'apprêtait à réduire au minimum les charges qui pèsent sur le dos des contribuables.
mercredi 26 mars 2025
« On est sur », la formule qui porte sur les nerfs
« On est sur un pied de cochon au vin », « sur un appartement avec deux chambres et vue sur la mer », « sur un dispositif échelonné sur trois ans », « sur un accompagnement global des mineurs étrangers », « sur une estimation basse du prix de la maison »… L'usager de la langue est décidément un sacré acrobate. Il est aujourd'hui capable de se jucher sur à peu près tout et n'importe quoi, si j'en juge par la prolifération de l'expression « on est sur ». Objet d'une véritable success-story, la bougresse a supplanté les locutions « c'est » ou « il s'agit de », jugées sans doute trop ringardes. Si les secteurs de la cuisine et de l'immobilier en ont été les précurseurs, via certaines émissions télévisées plus connues pour leur souci du bien-manger ou du bien-se loger que pour leur respect du bien-parler, cette agaçante propagation n'épargne plus aucun domaine d'activité.
J'imagine la tête des puristes, lesquels étaient naguère montés sur leurs ergots pour condamner les tournures du type : « je vais sur Bordeaux » ou « je travaille sur Marseille ». « La préposition sur ne peut traduire qu’une idée de position, de supériorité, de domination, et ne doit en aucun cas être employée à la place de à ou de en pour introduire un complément de lieu désignant une région, une ville et, plus généralement, le lieu où l’on se rend, où l’on se trouve », avait mis en garde l'Académie dès 2011.
Inutile de dire que cette nouvelle mode langagière a porté sur les nerfs de nombreux linguistes, qui n'ont pas manqué de le faire savoir. Étonnamment, les Académiciens ne se sont pas encore prononcés sur le sujet. Le feront-ils avant que les dictionnaires usuels cèdent une fois de plus sous le poids de l'usage et adoptent la formule critiquée ? Avec nos chers Immortels, on n'est jamais sûr de rien.
lundi 24 mars 2025
Morceau de bravoure
Les effets de mode ne touchent pas que les usagers de la langue. Ils frappent aussi ceux-là mêmes qui les combattent. Ainsi, ne compte-t-on plus dans les médias les chroniques et billets consacrés aux expressions à éviter. S'il en est une qui, en ce moment, semble faire l'unanimité contre elle, c'est bien la formule « Bon courage ». On lui reproche, entre autres, d'être devenue un tic de langage en passe de supplanter la traditionnelle « bonne journée », la précieuse « belle journée », le giscardien « au revoir », l'hypocrite « au plaisir », la désuète « à la revoyure », les familières « salut », « à plus » et « à la prochaine » ou d'autres, venues d'ailleurs (bye, ciao, tschüss..), qui en leur temps de gloire n'ont pas déclenché une telle levée d'encriers.
Ses nombreux détracteurs la trouvent condescendante, méprisante. Certains la disent même préjudiciable au moral de ceux qu'elle est pourtant censée encourager. « A grande échelle, le « bon courage » joue contre son camp. Prophétie autoréalisatrice de la dureté de la vie, il agit en méthode « anti-Coué » et teinte de pessimisme nos échanges les plus anodins, pouvait-on lire en dans l'hebdomadaire Marianne en mars 2016. C'est pourquoi il faut s'en débarrasser, et réhabiliter le « bonne journée » qu'une autre fourberie de langage (belle journée) menace d'extinction. » Message reçu : la prochaine fois que je croiserai une personne dont la famille vient de périr dans un crash aérien, je n'oublierai pas de lui souhaiter la meilleure des journées.
Plus sérieusement, au-delà du fond, c'est plus la forme qui me gêne. Autant je peux comprendre que l'on qualifie de bon(ne) un événement ou une période à venir qu'il s'agisse d'une journée à la plage, d'un week-end en amoureux, de vacances aux Seychelles, de l'anniversaire de Mamie Pierrette ou, moins drôle, de la rentrée scolaire de Ducobu, autant je ne comprends pas cette manie qui consiste aujourd'hui à assortir audit adjectif une force morale telle que le courage. L'emploi d'un adverbe ou d'une locution de quantité (beaucoup, énormément, le plus de… possible) m'eût paru plus correct.
Quoi qu'il en soit, et qu'on le veuille ou non, la formule « bon courage » est désormais solidement ancrée dans notre vocabulaire quotidien. Vouloir l'en déloger constituerait un authentique morceau de bravoure.
samedi 15 mars 2025
Gros plan, zoom ou focus, il n'y a plus photo !
Je l'avoue, consacrer un billet à la propagation anarchique du terme « focus » a déjà un sérieux goût de réchauffé. Ce serait faux-cul de ma part de prétendre le contraire. Voilà plus de dix ans que les défenseurs de la langue tentent en vain d'imposer un blocus à ce vocable aujourd'hui omniprésent dans toutes les bouches et sous toutes les plumes, jusques et y compris celles d'écrivains célèbres, ce qui n'a surtout pas valeur de caution suprême. Dans nombre de médias, « focus » est même devenu un titre réflexe pour toute rubrique braquant un tant soit peu l'objectif sur un angle particulier de l'actualité. Au rebut, les poussiéreux « gros plan » et « zoom », aujourd'hui passés de mode. Un tour sur la Toile suffit à nous le confirmer. Et vous verrez, il n'y a pas photo !
Jamais à un dérapage près, la presse sportive a particulièrement flashé sur cet emploi ô combien décrié. Deux exemples parmi d'autres :
– « Même sans adversité, le LUC reste focus. » (La Voix du Nord)
– « Oubliée la précédente journée dans les Landes, tout est focus sur cette rencontre. » (La Dépêche du Midi)
– « Dès la deuxième, on est focus sur le match suivant. » (La Nouvetelle République)
Le plus agaçant dans l'histoire, c'est que, non content d'être un envahissant substantif, « focus » a élargi sa focale à des rôles d'adjectif et de participe passé qui ne lui reviennent pas de droit. Et que dire de ce verbe « focusser » apparu il y a quelques années en lieu et place de « se focaliser, se concentrer, porter son attention, mettre l'accent sur… » ? « L'un des anglicismes les plus irritants que l’on puisse imaginer », selon l'ancien journaliste québécois André Racicot.
Dans la foulée du Figaro en 2018, certains médias ont pourtant été parmi les premiers à mettre en garde contre cette prolifération sauvage. Même avertissement du côté de l'Office québécois de la langue française ou du linguiste Bruno Dewaele qui parle de « tic de langage par excellence ». Dès 2015, l'Académie française s'était elle aussi fendue d'une mise au point on ne peut plus nette. Reste à savoir si la vieille dame du quai Conti tiendra le même discours à la sortie de la 10e édition de son dictionnaire, probablement pas avant de… 2080, au vu du rythme de travail sous la Coupole. La mauvaise nouvelle, c'est que Robert ne l'a pas attendue pour adouber les acceptions critiquées. J'avais presque oublié qu'à l'instar de son frère ennemi Larousse, il n'a d'autre vocation que d'être une photographie de l'usage. Le mauvais, comme le bon.
Manu tape en touche
« Macron temporise sur une nouvelle dissolution. » (Zinfos974) Sans vouloir lui faire offense, je ne suis pas certain que mon ancien confrèr...
