« Surprise et étonnement. » Même si, comme l'écrivit le romancier américain Stephen King, “l’humour est presque toujours la colère maquillée”, Maurice Gironcel n'était sans doute pas suffisamment en pétard pour se laisser tenter par la coquine saillie qui lui tendait les bras, vendredi, à l'annonce de l'arrestation de son « dircab » (c'est comme ça qu'il faut dire de nos jours), pris la main dans le sac pour trafic de zamal entre La Réunion et l'île Maurice. Peu importe. Jamais à un jeu de mots près, certains sites d'information locaux (voir l'extrait d'article cité en introduction de cette chronique) ont manifesté plus d'audace. Dieu merci, il n'était pas là question d'assassinat. J'imagine déjà les titres : « M.X assassiné, la population abattue ». Stupéfiant, non ?
Remarquez, c'est de bonne guerre. Et pour être franc avec vous, à l'époque où je sévissais au sein d'une rédaction de la place, je n'étais jamais avare en formules aguicheuses pour attirer le chaland. J'aurais donc presque souri au trait d'humour un peu facile de mes anciens confrères de Zinfos974 s'il ne m'avait semblé y déceler une grossière erreur de français. Semblé seulement, car après enquête, j'accorderai à l'auteur de l'article le bénéfice du doute. La majorité des linguistes jureraient pourtant, leur Bescherelle sur le cœur, que mon ancien confrère a été victime de la confusion souvent observée entre l'adjectif « stupéfait » et le participe passé « stupéfié ». Et selon les mêmes sources, quand il ne s'emploie pas absolument (sans complément), le premier est toujours suivi de la préposition « de » (elle-même suivie d'un infinitif), contrairement au second, qui exige « par ». Partant de ce principe, il eût été plus correct d'écrire que « Maurice Gironcel » a été stupéfait d'apprendre l'arrestation de son directeur de cabinet », mais qu'il « a été stupéfié par l'arrestation de son fidèle bras droit ».
Seulement voilà, à la stupéfaction générale (notez que « stupeur » marche aussi), l'Académie nous sert un étonnant discours : « Stupéfait et stupéfié ont le même sens. On peut ainsi dire "Il a été stupéfié de l’apprendre" et "Il a été stupéfait de l’apprendre" », nous dit-elle, rejoignant ainsi Michèle Lenoble-Pinson (Le Français correct) lorsqu'elle affirme : « Le participe passé "stupéfié" peut s'utiliser comme adjectif synonyme. "Je suis encore tout stupéfié de votre intrépidité" (Voltaire). » En revanche, quai Conti, on condamne fermement le tour "être stupéfait par", le verbe « stupéfaire » n'étant qu'une invention de l'usage, de même que son pseudo-participe passé « stupéfait ». Mais ça, c'était avant que Larousse et Robert ne leur donnent officiellement naissance, légitimant leur initiative par le fait que de nombre d'écrivains de renom les ont employés. Par conviction, parfois. Par erreur, le plus souvent. Quel trafic ! J'en reste bouche bée.
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