samedi 15 mars 2025

Gros plan, zoom ou focus, il n'y a plus photo !

Lu il y a quelques jours : « Il me reste quelques jours encore pour monter en forme, mais là, je suis focus sur les mondes. » (Outre-mer la 1ère)

Je l'avoue, consacrer un billet à la propagation anarchique du terme « focus » a déjà un sérieux goût de réchauffé. Ce serait faux-cul de ma part de prétendre le contraire. Voilà plus de dix ans que les défenseurs de la langue tentent en vain d'imposer un blocus à ce vocable aujourd'hui omniprésent dans toutes les bouches et sous toutes les plumes, jusques et y compris celles d'écrivains célèbres, ce qui n'a surtout pas valeur de caution suprême. Dans nombre de médias, « focus » est même devenu un titre réflexe pour toute rubrique braquant un tant soit peu l'objectif sur un angle particulier de l'actualité. Au rebut, les poussiéreux « gros plan » et « zoom », aujourd'hui passés de mode. Un tour sur la Toile suffit à nous le confirmer. Et vous verrez, il n'y a pas photo ! 
Jamais à un dérapage près, la presse sportive a particulièrement flashé sur cet emploi ô combien décrié. Deux exemples parmi d'autres :
– «  Même sans adversité, le LUC reste focus. » (La Voix du Nord)
– « Oubliée la précédente journée dans les Landes, tout est focus sur cette rencontre. » (La Dépêche du Midi)
– « Dès la deuxième, on est focus sur le match suivant. » (La Nouvetelle République)
Le plus agaçant dans l'histoire, c'est que, non content d'être un envahissant substantif, « focus » a élargi sa focale à des rôles d'adjectif et de participe passé qui ne lui reviennent pas de droit. Et que dire de ce verbe « focusser » apparu il y a quelques années en lieu et place de « se focaliser, se concentrer, porter son attention, mettre l'accent sur… » ? « L'un des anglicismes les plus irritants que l’on puisse imaginer », selon l'ancien journaliste québécois André Racicot. 
Dans la foulée du Figaro en 2018, certains médias ont pourtant été parmi les premiers à mettre en garde contre cette prolifération sauvage. Même avertissement du côté de l'Office québécois de la langue française ou du linguiste Bruno Dewaele qui parle de « tic de langage par excellence ». Dès 2015, l'Académie française s'était elle aussi fendue d'une mise au point on ne peut plus nette. Reste à savoir si la vieille dame du quai Conti tiendra le même discours à la sortie de la 10e édition de son dictionnaire, probablement pas avant de… 2080, au vu du rythme de travail sous la Coupole. La mauvaise nouvelle, c'est que Robert ne l'a pas attendue pour adouber les acceptions critiquées. J'avais presque oublié qu'à l'instar de son frère ennemi Larousse, il n'a d'autre vocation que d'être une photographie de l'usage. Le mauvais, comme le bon. 

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