lundi 24 mars 2025

Morceau de bravoure

« Bon courage pour supporter cette chaleur. » (Imaz Press Réunion)

Les effets de mode ne touchent pas que les usagers de la langue. Ils frappent aussi ceux-là mêmes qui les combattent. Ainsi, ne compte-t-on plus dans les médias les chroniques et billets consacrés aux expressions à éviter. S'il en est une qui, en ce moment, semble faire l'unanimité contre elle, c'est bien la formule « Bon courage ». On lui reproche, entre autres, d'être devenue un tic de langage en passe de supplanter la traditionnelle « bonne journée », la précieuse « belle journée », le giscardien « au revoir », l'hypocrite « au plaisir », la désuète « à la revoyure », les familières « salut », « à plus » et « à la prochaine » ou d'autres, venues d'ailleurs (bye, ciao, tschüss..), qui en leur temps de gloire n'ont pas déclenché une telle levée d'encriers. 

Ses nombreux détracteurs la trouvent condescendante, méprisante. Certains la disent même préjudiciable au moral de ceux qu'elle est pourtant censée encourager. « A grande échelle, le « bon courage » joue contre son camp. Prophétie autoréalisatrice de la dureté de la vie, il agit en méthode « anti-Coué » et teinte de pessimisme nos échanges les plus anodins, pouvait-on lire en dans l'hebdomadaire Marianne en mars 2016. C'est pourquoi il faut s'en débarrasser, et réhabiliter le « bonne journée » qu'une autre fourberie de langage (belle journée) menace d'extinction. » Message reçu : la prochaine fois que je croiserai une personne dont la famille vient de périr dans un crash aérien, je n'oublierai pas de lui souhaiter la meilleure des journées. 

Plus sérieusement, au-delà du fond, c'est plus la forme qui me gêne. Autant je peux comprendre que l'on qualifie de bon(ne) un événement ou une période à venir qu'il s'agisse d'une journée à la plage, d'un week-end en amoureux, de vacances aux Seychelles, de l'anniversaire de Mamie Pierrette ou, moins drôle, de la rentrée scolaire de Ducobu, autant je ne comprends pas cette manie qui consiste aujourd'hui à assortir audit adjectif une force morale telle que le courage. L'emploi d'un adverbe ou d'une locution de quantité (beaucoup, énormément, le plus de… possible) m'eût paru plus correct.

Quoi qu'il en soit, et qu'on le veuille ou non, la formule « bon courage » est désormais solidement ancrée dans notre vocabulaire quotidien. Vouloir l'en déloger constituerait un authentique morceau de bravoure. 

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