samedi 1 juin 2024

Henri J. se loupe au décollage

Lu il y a trois jours : « Ce sont les séquences « à pas forcés » que nous nous sommes fixés pour vous permettre de trouver désormais toute l’information, l’analyse et la réflexion, que vous êtes en droit d’attendre du premier journal de l’île. » (Le Quotidien de La Réunion)

On peut rêver de faire d'un ULM rouillé une rutilante « fusée à trois étages » et avoir les pieds sur terre. Henri Jacques Nijdam, le nouvel homme fort du Quotidien, en est la preuve vivante. L'homme a l'air plutôt sympathique. Il a des idées, et des bonnes, paraît-il. Et surtout, il n'entend pas brûler les étapes, comme en témoigne le message qu'il ne cesse de répéter depuis son arrivée aux commandes du premier journal de l'île : « Trois semaines, trois mois, trois ans ». Mardi dernier, c'est justement pour faire un premier point d'étape qu'il a saisi sa plus belle plume, parmi celles que ses prédécesseurs ne lui ont pas confisquées, pour rappeler les grands chapitres de son spatial projet.
Sur le fond, pas grand-chose à jeter. « « Plus d’actualités 
(au sens de « davantage », malgré l'impression laissée par les récentes éditions du journal) , plus de réflexion, plus d’ouverture sur le monde », une vision « Est-Ouest et non plus seulement Nord-Sud », et à plus long terme, une « véritable transformation digitale » du Quotidien. Rien que de louables résolutions, en somme, toutes visant à redresser la trajectoire du « Quot », comme le surnomment les gens du Journal de l'île !
Sur la forme, en revanche, on repassera. Fautes d'orthographe, de typographie, de syntaxe : le successeur de Carole Chane-Ki-Chune eût été bien inspiré de ne pas mettre le fuselage avant le moteur et de consacrer trois minutes à faire relire – et corriger si possible – sa copie avant de l'expédier dans la galaxie numérique. Cela nous aurait – peut-être – évité ce « que nous nous sommes fixés » qui n'aura pas manqué de chagriner tout lecteur au fait de l'accord des verbes pronominaux. 
Je ne vais pas reprendre par le menu cette règle qui, je vous l'accorde, compte parmi les plus indigestes de la grammaire française. Je lui ai déjà consacré plusieurs billets que je  vous invite à consulter ou re-consulter : 
https://moucatalire.blogspot.com/2023/01/se-sont-succedes-ou-se-sont-succede.html
https://moucatalire.blogspot.com/2022/02/rendez-vous-manque.html
https://moucatalire.blogspot.com/2022/05/rendez-vous-manque.html
Quoi qu'il en soit, mon cher Henri J., sans vouloir vous faire offense, sachez à toutes fins utiles que le participe passé des verbes occasionnellement pronominaux, et « fixer » en est un, se comporte comme s'il était accompagné de l'auxiliaire « avoir ». En clair, il s'accorde avec le complément d'objet direct si et seulement si ce dernier le précède. 
Il convenait donc d'écrire : « Ce sont les séquences "à pas forcés" que nous nous sommes fixées (et non « fixés ») », le COD « séquences » étant placé avant le verbe. Ou, sous une autre forme : « Nous nous sommes fixé des séquences à pas forcés » (le COD est ici placé après le verbe, donc pas d'accord).
Un ancien collègue à qui je faisais remarquer qu'ainsi maltraité, l'édito de son boss n'avait que peu de chances de convaincre son famélique lectorat, me fit cette réponse pleine de bons sens : « Au contraire, il est très convaincant… sur le fait qu'il faille embaucher des secrétaires de rédaction* », ceux-là mêmes qu' « HJN » s'empressa de propulser en bloc dans l'espace « inscription » de France-Travail. 
Mayday, mayday, mayday, il n'y a plus personne dans la tour de contrôle. 

* journalistes chargés, entre autres missions, de la relecture et, si besoin, de la réécriture des articles.

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