mercredi 5 juin 2024

Perversions électorales

Lu samedi dernier : « Le jour des élections, j’avais publié ce billet satyrique et prémonitoire pour remettre à sa place le prezida de la CENI qui se glorifiait de l’enthousiasme des citoyens à aller voter. » (Madagascar Tribune)

Vices de forme, actes d'inconduite, viols de la loi, nous connaissons tous les mœurs interlopes qui pervertissent depuis toujours le processus électoral malgache. Justifient-elles pour autant que l'on consacre un « billet satyrique » au scrutin législatif du 29 mai dernier ? Je n'y mettrais pas ma carte d'électeur au feu. Je serais davantage porté à croire que l'auteur dudit billet a tout simplement glissé le mauvais bulletin dans l'urne au moment de choisir entre deux redoutables candidats à la confusion sémantique : l'adjectif « satirique » et son pervers homophone « satyrique ». 
Le premier, pour rappel, qualifie tout discours, tout écrit, relevant de la satire, autrement dit, d'une vive critique, d'une raillerie acerbe. Le second nous renvoie quant à lui aux Satyres, créatures lubriques de la mythologie grecque, mi-hommes mi-bêtes, le plus souvent représentées dotées de cornes, de longues oreilles pointues, d’une queue et de pieds de bouc ou de chèvre, selon les versions. On les retrouve figurées dans les drames… satyriques (tiens, tiens !), pièces tragicomiques à la gloire de Dionysos. Peut-être faut-il y voir l'une des raisons pour lesquelles les termes « satire » et « satyre » furent un temps en concurrence avant de prendre des routes distinctes au milieu de XVIIIe siècle : à la « satire » l'ironie, au « satyre » la lubricité et l'obscénité. 
Il n'en demeure pas moins que les deux lascars n'en finissent pas d'entretenir la confusion. Pour preuve, ces quelques échantillons puisés  la presse numérique : 
« À l'Athénée, elle fait en cette rentrée théâtrale d'automne un pari gonflé, en s'attaquant à une pièce satyrique tardive de Jean Anouilh (1910-1987), « La Culotte » (1978). » (Les Échos)
« Sous la fresque, le graffeur Lekto indique qu'il s'agit d'une œuvre satyrique. » (Midi Libre)
« Inspirée par le roman satyrique crée par Jonathan Swift en 1721, la troupe catalyse et modernise le propos sur la folie du monde actuel, toujours avec un humour anglais décalé. » (Ouest-France)
Alors, que mon ancien confrère de la Grande Île se rassure. Il n'est pas le premier et ne sera pas le dernier à se laisser ainsi piéger. Je vous en ficherais mon billet. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Autopsie d'un pléonasme

Lu la semaine dernière : « L'autopsie du corps devrait permettre d'établir les raisons du décès. » (Outre-mer la 1ère) De tous les p...