Ça jure dans le dé...corps

Lu aujourd'hui : « {…} les amoureux de Terpsichore sont heureux de déguster le festin de Malandain, sachant qu’Hofesh, encore, revient en juin, si tout va bien est (sic) que d’ici là ils pourront renouer à corps et à cri avec l’énergie de la  Sud-Africaine Via Katlehong Company ! » (clicanoo.re)

Deux erreurs (d'orthographe et de sens) pour le prix d'une, ça jure dans le dé…corps. Dans un premier temps, j'ai pensé me trouver en face d'un jeu de mots certes éculé, mais de circonstance. Au vu de la production d'ensemble de notre journaliste, manifestement moins à l'aise avec les pirouettes de la langue de Molière qu'avec les arabesques du Ballet de Biarritz qui a fait salle comble, l'autre soir, à Saint-Denis, j'ai rapidement chassé cette idée de mon caustique esprit.

Peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse, voilà qui me donne l'occasion d'évoquer l'expression « à cor et à cri » (sans « s »). Apparue au XV^e siècle (à cry et à cor) selon les uns, au début du XVII^e selon les autres, elle fait partie de ces nombreuses locutions (« être aux abois », « suivre la voie », « avoir du mordant », « ne pas courir deux lièvres à la fois »…) issues de la vénerie et fait bien sûr davantage référence au tintamarre du son du cor et des aboiements des chiens qui accompagnaient bruyamment les chasses à courre qu'à la douce caresse des ballerines sur les planches du théâtre de Champ-Fleuri. D'où son sens originel, « à grand bruit », aujourd'hui sorti de l'usage au profit du sens figuré « avec insistance ». 
Malheureusement, sans doute par confusion avec « à corps perdu », « corps et âme », « corps à corps », « corps et biens » ou, plus appropriée au thème du jour, « corps de ballet », l'expression « à cor et à cri » n'en finit plus de subir les pires outrages orthographiques. « À cors et cri », « à cors et à cris », « à cor et à cris », « à corps et à cri » ou en...cor « à corps et à cris »… Il est clair que la bête est salement blessée. Faut-il pour autant sonner l'hallali ?