Débat de l'entre-deux-genres

Lu ce matin : « Au débat de l'entre deux tours des régionales, l'actuelle présidente de la Région Réunion, Huguette Bello, a tenu à rassurer les électeurs. » (Linfo.re)

Petit rappel qui n'a rien de vaccinal : en français, les éléments formant un nom composé sont obligatoirement reliés par des traits d’union : un « touche-à-tout », un « va-nu-pieds », un « je-ne-sais-quoi », etc. 

Néologisme très répandu dans les médias, bien que bizarrement toujours absent des dictionnaires usuels, le « trois-en-un » « entre-deux-tours » n’échappe pas à la règle. 

Dans ces différents cas, les traits d'union ont pour fonction de circonscrire le terme composé créé et de le distinguer de l'association naturelle des éléments qui le forment dans une phrase classique. En clair, pour ne pas confondre le nom « touche-à-tout » et la locution « il touche à tout », « un va-nu-pieds » et « il va nu-pieds », un « je-ne-sais-quoi » et « je ne sais quoi dire ». Il en va de même du terme « entre-deux-tours » et de son emploi dans une phrase telle que : « Entre deux tours, alliances, réconciliations et Pacs de raison, promesses, compromis et compromissions en tout genre vont bon train. »

Je profite de l'occasion pour aborder une autre question sensible relative à ce curieux assemblage : celle de son sexe. Doit-on dire un ou une « entre-deux-tours » ? Il faut bien l'avouer, rares sont les médias qui ont osé se mouiller sur le sujet. Dans le doute, la plupart préfèrent jouer la carte de l'évitement et parler de « débat de l'entre-deux-tours » ou de « période de l'entre-deux-tours ».

Le dilemme n'est pas isolé. La question s’était déjà présentée lors de l'apparition du mot composé « entre-deux-guerres »,  né au siècle dernier pour désigner la période séparant les deux guerres mondiales (1918-1939). Force est de constater qu'à ce jour, elle n'est toujours pas réglée. Du côté des dictionnaires usuels, seuls Littré et Le Robert affichent clairement leur préférence pour le genre masculin, choix majoritairement suivi par l'usage. Larousse et l'Académie française, pour leur part, continuent de s'abstenir, estimant que les deux genres peuvent être indifféremment employés. 

C'est ce que l'on appelle « rester assis le c... entre deux chaises ». Sans traits d'union, bien sûr.