dimanche 23 janvier 2022

L'e-choix de Sophie

Quand on ne sait pas, il n’y a pas de honte à demander. Partant de ce principe frappé au coin du bon sens, un mien collègue m’a interpellé l’autre soir sous la forme d’un SMS aux allures de SOS : « Juste une question : esport tu l’écris comment ? eSport, e-sport ou esport ? »

Qui manie l’actualité sportive au quotidien s’est forcément posé un jour cette question. Il est vrai qu’apparu dans les années quatre-vingt, l’esport s’est fait un nom avant de se trouver une orthographe. Véritable phénomène de société, avec ses fédérations, ses « teams » professionnel (le) s, ses entraîneurs, ses préparateurs physiques (si si), ses agents de joueurs, son mercato, ses sponsors, ses directs télé et ses euros qui coulent à flots, il est aujourd’hui considéré comme un sport à part entière, un gigantesque marché brassant des sommes d'argent vertigineuses. 

Vous dire que j’y suis sensible serait mentir. Au même titre que les échecs, le bridge, le billard, le scrabble ou la pêche à la mouche, il ne correspond pas à la vision sans doute « mémérisante » que je me fais du sport, mais vu mon grand âge, j’accepte mon nouveau statut de ringard. Et apprendre, il y a peu, que notre Dimitri Payet national venait d’être nominé pour intégrer la « Team of the year » du jeu de football Fifa 2022 m’a fait autant d’effet qu’un match de Ligue des champions sans public. 

Ce fut pour moi une occasion supplémentaire de constater l’embarras de la presse écrite face à ce néologisme dont elle ne sait que faire. Esport, E-Sport, e-sport, e-Sport, etc., les versions sont légion et rares sont les publications qui ont fixé leur choix parmi ce faisceau de graphies. Libération, Le Monde et Le Parisien me semblent plutôt adeptes de la mouvance « traidunionniste » e-sport, mais les exceptions sont encore trop fréquentes pour confirmer la règle, si tant est qu’elle existât. Même pour constat pour Le Figaro, « antitraidunionniste » pas convaincu. 

Désireuse de mettre fin à la confusion générale, l’association France Esports a tranché et opté pour « esport(s) » et son adjectif associé « esportif »… sans toutefois condamner les autres graphies. Le quotidien sportif L’Equipe a entendu la consigne, à l’image des sites spécialisés. 

Tout irait donc pour le mieux dans le monde du virtuel si nos Dupont et Dupond de l’orthographe (Robert et Larousse), pourtant pas habitués à faire équipe, n’étaient entrés sur le terrain avec une stratégie très différente. Dans la logique de leurs e-choix précédents (e-mail, e-learning), ils ont revêtu le maillot du trait d’union, ce qui a au moins le mérite de la cohérence. Enfin, ne comptez pas sur l’Académie pour éclairer le jeu. Les vieux sages du quai Conti sont trop occupés à boucler la 9e édition de leur dictionnaire, commencée en… 1986, ou à terminer leur dernière partie de jeu de l’oie. 

Alors, esport ou e-esport ? Stars du sport virtuel contre virtuoses de la langue française ? La balle est au centre. À vous de jouer.

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