Lu hier : « À l’initiative de Kélonia, 80 tortues sont lâchées aux quatre coins de l’océan Indien. Sur leurs carapaces, une balise qui collectera de précieuses données. » (Linfo.re)
Les bons comptes feraient-ils les bons linguistes ? Je vais finir par le croire, vu le nombre de puristes qui estiment que l’emploi de l’expression « aux quatre coins de » est tout, sauf frappé au… coin du bon sens. Le trouble est on ne peut plus compréhensible chez qui s’accroche au principe mathématique que un et un font deux. En effet, comment peut-on parler des « quatre coins de l’Hexagone » quand on sait très bien qu’il en compte… euh… douze, non six, ou des « quatre coins du globe », lui qui n’en a pas le moindre ? D’ici à penser que la sémantique est un domaine à géométrie variable, il n'y a qu'un pas que je ne suis sans doute pas le seul à avoir franchi.
Une chose est sûre, la formule n’est pas du goût du cartésien des Immortels. L’Académie qualifie d’ « aberrant » le tour « aux quatre coins de l’Hexagone », conseille vivement « de ne pas parler » des quatre coins du globe et juge « scientifiquement inexacte » l’expression « aux quatre coins de la Terre », concédant toutefois qu’ « elle a pour elle l’ancienneté et le fait qu’elle date d’un temps (le XVIe siècle) où l’on imaginait notre planète comme étant plate ».
Au mépris des chiffres, d’aucuns en revanche accordent quelque indulgence à l’utilisation décriée de la forme « aux quatre coins de ». En guise de défense, ils plaident la mauvaise influence de la variante « aux quatre points cardinaux » qui signifie « toutes les directions ».
Alors, doit-on prendre au pied du chiffre l’expression « aux quatre coins de » ou la percevoir au sens figuré de « en tout lieu, partout », seule définition mentionnée à ce jour par les dictionnaires usuels qui, si je ne m’abuse, ne font allusion à aucun coin ni recoin ? Quadrature du cercle ? Je vous laisse bâtir votre opinion.
Pour échapper aux calculs biliaires, je vous conseillerais une fois de plus de contourner l’obstacle et de vous réfugier derrière la formule « à tous les coins de », autrement consensuelle.
Quoi qu’il en soit, il y a bien longtemps que l’usage ne s’embarrasse plus de tels scrupules arithmétiques. Ni dans le langage courant, ni dans les médias. Ni en France métropolitaine, ni dans ces jolis petits coins de paradis que sont nos terres ultramarines. Rangeons donc nos calculettes et élargissons notre angle de vue. En deux mots (si je compte bien), décoinçons-nous ! La langue française n’est pas une science exacte et c’est aussi pour cela qu’on l’aime.
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