lundi 14 mars 2022

Que sa volonté soit faible !

Lu ce matin je ne sais plus où, mais lu tout de même : « les velléités de la Russie ». 

Aujourd’hui, sans gratter comme un « meurt-de-faim » (et non un mort-de-faim) dans les tiroirs de l’information locale, je n’ai eu (hélas !) que l’embarras du choix. J’aurais pu vous expliquer pourquoi l’expression « en pointillé » ne prend pas de « s » final, pourquoi « les sudistes » (les habitants du sud de l’île) n’exigent pas de capitale initiale, pourquoi « initier » ne signifie pas « lancer, créer, être à l’origine de » ou aborder quelque autre emploi incorrect puisé dans la presse du matin, et Dieu sait qu’il y en avait. 

Non. Finalement, j’ai pris la décision, ferme et pleinement assumée (vous comprendrez bien vite pourquoi je dis cela), de pénétrer en votre compagnie les arcanes du mot « velléité », vocable dont on use le plus souvent au pluriel. Je me suis toujours étonné de ne pas trouver trace de ce terme glissant dans les nombreux ouvrages consacrés aux difficultés du français, si ce n’est pour nous rappeler que cet oiseau-là, issu du latin médiéval velleitas et de velle (vouloir), vole mieux pourvu de deux « l ». 

Pourtant, « velléité » est l’un des mots les plus martyrisés de la langue française, pas très loin derrière les intouchables « alternative », « comparse », « conséquent », « à l’encontre » ou « éponyme ». En fouillant sur la Toile, j’ai constaté que 44 des 50 sites d’information consultés par mes soins l’avaient employé — involontairement, il va sans dire — de façon impropre. 

Je m’abstiendrai de jeter la pierre aux usagers épinglés. Après tout, leur seule maxima culpa n’est-elle pas, par leur erreur, d’entraîner un terme de plus vers une dérive sémantique injustifiée ? Je ne le ferai pas parce que, malgré mon grand âge, mon cerveau délabré n'a pas oublié l’époque pas si lointaine où moi aussi, j'eus mérité l'opprobre. Pour des raisons purement phonétiques, j’ai en effet longtemps assimilé le terme en question à un acte fort, implacable, que rien ne saurait fléchir. 

Or, pas du tout ! Une « velléité » est au contraire une « volonté faible et passagère » nous dit l’Académie, « une intention qui n’aboutit pas à une décision », selon la version numérique du Robert, « une volonté faible et qui reste sans effet » pour Littré, « une volonté faible, hésitante, et non suivie d’une action », confirme Le Grand Larousse illustré. 

En résumé, « velléité » associe la triple notion de faiblesse, d’hésitation et d’échec. Dès lors, le bon sens eut souhaité que l’on n’employât ledit mot qu’au sujet d’une situation dont on connaît l’issue, donc passée. Partant de ce constat, dire (ou écrire), par exemple, « on devine les velléités de Vladimir Poutine » me paraît inaproprié à plus d’un titre. D’abord parce que, faisant fi des menaces économiques qui frappent son pays, le premier dirigeant russe ne semble pas franchement décidé à infléchir ses positions. Ensuite, parce que l’on imagine mal l’ancien spécialiste des basses besognes du KGB ne pas tout mettre en œuvre pour que son irresponsable volonté soit faite.


Remarque : contrairement au nom « velléité », l’adjectif « velléitaire » n'implique pas de notion d’échec. Un homme velléitaire est simplement un homme hésitant, qui ne sait pas ce qu’il veut. Tiens, tiens, ça me rappelle quelqu'un…

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