dimanche 13 mars 2022

L'occasion opportune

Lu il y a quelques jours : « Un grand nombre de chefs d’entreprise et d’organisations professionnelles ont saisi cette opportunité pour lancer une dynamique nouvelle au sein d’une liste commune pour une gouvernance partagée à̀ la CCI Réunion. » (Freedom)

Je ne peux décemment pas laisser échapper l’opp…, oh ! pardon, l’occasion qui m’est donnée d’évoquer le bien-fondé de l’emploi du terme « opportunité ». Encore un drôle de coco, celui-là ! Désigné dans tous les ouvrages de référence comme le « caractère de ce qui est opportun, de ce qui vient à propos », il a aujourd’hui envahi discussions et écrits au sens d’ « occasion ». Allez comprendre ! 

Pareil détournement sémantique n’est bien sûr par du goût des puristes, et en particulier des Académiciens. Les locataires du quai de Conti dénoncent ce qu’ils considèrent être un anglicisme né du voisinage phonétique avec le mot anglais opportunity (occasion, perspective). C’est donc « à tort que ce terme est substitué à ''occasion'' dans tous ses emplois », concluent les Immortels. Soit. 

Mais j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je ne fais pas partie de ceux qui condamnent au bûcher tout ce qui vient — ou revient — d’outre-Manche. D’autant plus qu’à y regarder de plus près, l’acception critiquée n’est pas très éloignée de la forme absolue (comprenez, sans complément) longtemps la seule admise par les Immortels et toujours mentionnée dans leur dictionnaire, tout comme dans le Littré : « occasion propre, favorable ». Ce n’est en effet qu’en 1798 qu’est apparue la définition actuelle. 

En résumé, il est donc permis de dire : 
- J’ai des doutes sur l’opportunité (= pertinence, bien-fondé) de me baigner en plein hiver. 
Je profite de l’opportunité (forme absolue, sans complément). 
En revanche, on ne dira pas : 
- Je profite de l’opportunité de vous présenter mes parents. 
Dans ce dernier exemple, il est préférable (en raison de la présence du complément du nom) d’employer « occasion », « aubaine » ou « chance », qui pourraient vite se transformer en drame ou catastrophe, selon le profil de la belle-famille. 

Hélas ! il y a beau temps que le commun des usagers ne s’embarrasse plus de telles subtilités. « Opportunité » est non seulement devenu le synonyme d’ « occasion » mais aussi l’acception numéro un présente dans le langage courant. 
Non contents de ne pas avoir échappé à la contagion, les médias n’ont pas manqué l’occasion de propager le virus. Était-ce vraiment opportun ?

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