samedi 12 mars 2022

La fête « au national »

Lu il y a deux jours : « La tendance, au national, à la baisse des dépôts de dossiers de surendettement se confirme également à La Réunion. » (Le Quotidien)

Autrefois, un produit se vendait sur le marché national ou à l’étranger. Aujourd’hui, il se développe au national et rayonne à l’international. Ainsi va le progrès. Ces expressions que, dans certains milieux, il est bon d’employer pour se donner la sensation d’exister, sont entrées dans le langage courant et relèvent presque du — mauvais — réflexe dans la sphère médiatique. 
— « Le troisième fils, Cyrille, 36 ans, est quant à lui PDG du groupe Bolloré et s’occupe notamment de la partie transport et logistique en Afrique et à l’international, ainsi que de la logistique pétrolière. » (Le Monde
— « Tandis qu’un accord a été trouvé mercredi entre Russes et Ukrainiens pour parvenir à des évacuations de civils, sur fond d’une accalmie toute relative sur le plan diplomatique, ce jeudi est lui aussi scruté à l’international. » (Le Parisien)

Or, les puristes vous diront que ce n’est pas bien du tout. Pour les mêmes raisons qui les avaient vus accueillir froidement l’apparition du populaire « au final », ils ne cessent de fustiger les tours « au national » et « à l’international », incorrects à leurs yeux. Figure de proue de la révolte, l’Académie considère ainsi que la seconde nommée est une « formule elliptique en usage dans la langue du commerce » (sans doute de « au niveau international » ou de « sur le plan international ») qui « s’étend abusivement », ajoutent les sages du quai de Conti, sans pour autant préciser pourquoi.

Car après tout, que reproche-t-on à ces locutions aujourd’hui ancrées dans les mœurs ? Tout simplement d’être l’union contre-nature d'une préposition (à), d’un déterminant (l’) et d’un adjectif, là où la logique grammaticale réclame un substantif, comme dans « à l’envers », « à l’heure » ou… « à l’étranger ».
Je vous vois venir. Vous allez m’objecter (à juste titre) que « nationaux » est un nom lorsqu’il désigne « les citoyens d’un État ». Certes, mais dans ce cas, il ne s’emploie qu’au pluriel, ce qui rend l'argument irrecevable. Vous me direz aussi (et toujours à bon droit) qu’ « international » peut se rencontrer sous une forme substantivée quand il désigne un sportif représentant son pays dans les compétitions… internationales ou, au féminin, l’Association internationale des travailleurs fondée par Karl Marx et le célèbre chant qui lui colle à la peau. Oui, je le sais, mais vous l’avouerez, nous voilà bien loin de l’acception supposée dans l’expression « à l’international ».

Face aux critiques, Larousse a trouvé la plus radicale des parades en faisant d’ « international » un nom commun au sens de « domaine des relations internationales, spécialement dans les échanges commerciaux » et par ricochet, « dans une entreprise, secteur chargé de ce domaine ». Le tout assorti d’un exemple sans équivoque : « travailler à l’international ». Je parierais un beau voyage à l’étranger que « national » ne tardera pas à bénéficier des mêmes largesses. Et attendant l’arrivée sur le marché (international bien sûr) des locutions « au mondial », « au sidéral » ou, ne reculons devant aucune extension, « à l’universel »...

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