La bévue a fait mauvais genre. Et sûr qu'elle a dû valoir à son auteur une bonne semaine de corvée de chiottes. À l'occasion du 78e anniversaire du 8 mai 1945, le ministère des Armées avait décidé de saluer l'événement en publiant sur son compte Twitter le « récit des 15 derniers jours avant l'armistice ». Intention louable, certes, sauf que d'armistice, il n'y a jamais eu en cette heureuse année 1945. Quant au jour en question, il ne marquait pas la fin de la Seconde guerre mondiale, intervenue officiellement le 2 septembre après la défaite japonaise dans le Pacifique, mais celui de la capitulation allemande face aux alliés.
Informé de son erreur, le ministère a vite fait disparaître son message des écrans radar, imité par le chef d'État major de la Marine, qui avait invité les Français à hisser haut les couleurs « pour commémorer l'armistice du 8-Mai-1945 », c'est le pompon ! Voilà pour la petite histoire. Et je la laisse aux historiens.
Car c'est évidemment sur le champ lexical que je souhaite vous attirer aujourd'hui dans l'espoir d'éveiller votre attention sur une faute de français devenue récurrente à chaque fois qu'un préfet en tenue d'apparat dépose une gerbe de fleurs au pied d'un monument aux morts. Exemples :
– « La commune a commémoré le 78e anniversaire du 8-Mai-45. » (Dauphiné Libéré)
– « Replonges : La commune a commémoré le 78e anniversaire de la victoire de 1945. » (Le Journal de Saône-et-Loire)
– « Le 78e anniversaire de la Libération a été commémoré ce lundi 8 mai dans la cité comtale, au Monument de toutes les guerres. » (La Dépêche du Midi)
Or, si ma mémoire ne me fait pas défaut, le verbe « commémorer », du latin commemorare (se rappeler, évoquer), signifie « rappeler avec plus ou moins de solennité le souvenir de » (Larousse). En toute logique, on ne commémorera donc pas un souvenir, ce qui relèverait du pléonasme, pas plus que l'on ne commémorera un anniversaire. Ce n'est pas l'anniversaire dont on veut se souvenir mais bien l'événement lui-même.
Face à cet abus de langage, les linguistes avancent en rangs serrés, nullement décidés à rendre les armes. Pour autant, il n'y a pas lieu de crier victoire, car malgré les rappels à l'ordre répétés, les commémorations passent et la confusion demeure. De là à penser que les défenseurs de la langue mènent une fois encore un combat perdu d'avance…
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