Les puristes continuent de fustiger l'emploi de l'expression « comme à l'accoutumée », mais force est reconnaître que de décennie en décennie, leurs rangs se réduisent comme peau de chagrin. Sur le fond, ils n'ont pourtant pas tort. « L'expression "à l'accoutumée" signifiant "comme de coutume, comme d'habitude", il n'y a pas lieu de l'alourdir en la faisant précéder du mot "comme", ce qui exclut l'envahissant "comme à l'accoutumée" », argumente ainsi à bon droit Jacques Capelovici (Guide du français correct). Girodet (« Il est conseillé d'éviter "comme à l'accoutumée". »), Thomas (« On ne dit pas "comme à l'accoutumée". ») et quelques autres lui ont emboîté le pas.
Je serai tenté de les suivre tant la locution décriée sent le pléonasme à plein nez. Sauf que je risquerais fort de me jeter dans quelque inutile combat d'arrière-garde. Il y a beau temps, en effet, que les plus contemporains de nos linguistes ont plié sous le poids des mauvaises habitudes langagières, avec la caution souvent bien involontaire d'auteurs plus anciens. Voltaire n'a-t-il par écrit : « David jouait de la harpe devant Saül comme à l'accoutumée. »
Joseph Hanse (Dictionnaire des difficultés du français) ne trahit donc pas la réalité quand il constate que « l'expression vieillie "à l'accoutumée" » est « généralement introduite par "comme" ». « On dit aussi " comme à l'accoutumée " », observe à son tour Jean-Paul Colin (Dictionnaire des difficultés du français). Coutumiers du fait, les dictionnaires usuels ne se sont pas fait prier pour sauter dans le wagon du « progrès », à l'image du Petit Robert qui propose un exemple sans équivoque : « Il est passé à 8 heures, comme à l'accoutumée. »
Plus surprenante est l'attitude de l'Académie. La vieille dame du quai de Conti a elle aussi fini par rendre les armes. « Il est arrivé en retard, comme à l’accoutumée », écrit-elle dans la 9e édition de son dictionnaire. On a connu les Immortels plus durs au mal.
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