mardi 19 mars 2024

Accords majeurs

Lu – et entendu – récemment : « La musique, en particulier le chant, a toujours été des passions pour Camille, et ce depuis qu’elle est toute petite. » (linfo.re, Antenne Réunion)

Une fausse note langagière dans un article consacré à une jeune chanteuse en devenir, avouez que c'est un comble. Et comme de bien entendu, elle n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd (enfin, ce n'est pas ce que dit ma femme). Il est vrai que notre journaliste n'a pas fait dans la demi-mesure. Un sujet au singulier, une proposition comparative qui fout la pagaille, un verbe lui aussi au singulier flanqué d'un attribut au pluriel : on a connu partition plus lisible. 
Si je m'étais écouté, j'en aurais profité pour épingler ce « depuis qu'elle est toute petite » auquel je préfère mille fois « depuis sa plus tendre enfance », lequel tour laisse moins entendre que la demoiselle n'a pas grandi. 
Mais je perds le fil de mon histoire. Observons d'un peu plus près l'extrait d'article cité en introduction. Inséré dans le cœur de la phrase, le groupe « en particulier le chant » n'est là que pour apporter une précision à la proposition principale. Il est indépendant et peut très bien être supprimé sans que le sens initial de la phrase ne soit altéré. Mais surtout, il ne fait en aucun cas fonction de deuxième sujet. On aurait pu écrire : « La musique a toujours été une passion pour Camille […] » Pour clore ce couplet, il n'a aucune influence, ni sur le verbe ni sur l'attribut qui suit ce dernier. Nous aurions donc dû lire : « La musique, en particulier le chant, a toujours été une passion pour Camille […] »
À la décharge de mon ancien confrère, ces propositions, que je qualifierai d' « annexes », sont sources de bien des confusions dans l'esprit du scripteur, je vous… l'accorde, a fortiori quand elles sont introduites par  « comme », « ainsi que » ou « aussi bien que ».
Prenons l'exemple suivant : 
« Jean-Pierre, comme Camille, est un passionné de musique. » 
Que l'on pourrait traduire ainsi : « Jean-Pierre, à l'image de Camille, est un passionné de musique. » Le seul et unique sujet de la phrase est Jean-Pierre. Placé entre virgules, « comme Camille » n'est ici qu'un élément comparatif. 
Imaginons maintenant que l'on écrive :
« Jean-Pierre comme Camille sont des passionnés de musique. » 
C'est la même phrase, me direz-vous, mais sans les virgules. Oui, et c'est justement ce qui fait toute la différence. Il n'est plus là question de comparaison, mais d'addition. La disparition des virgules place Jean-Pierre et Camille sur un pied d'égalité. « Comme » équivaut dans ce cas à la conjonction de coordination « et ». Voilà qui suffit à élever la talentueuse Camille au rang de second sujet de la phrase, d'où l'accord du verbe « être » au pluriel. Et tant pis pour ceux qui s'acharnaient à croire que la virgule n'était qu'une simple respiration musicale. 
Vous avez suivi ? 
Bon, je résume : 
– Virgules = idée de comparaison → verbe au singulier
– Pas de virgule = idée d'addition → verbe au pluriel
Eh bien voilà ! c'est fini pour aujourd'hui. Je vous quitte sur cette pensée du jour : la grammaire, comme la musique, est une subtile harmonie d'accords qu'il est un art de déchiffrer. 

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