C’est un communiqué de Jean-Hugues Ratenon qui a attiré mon attention pas plus tard qu'hier. Je le sais, je ne fus pas le seul à écarquiller les yeux devant l’étrange formulation de cet écrit dans lequel il me semble bien avoir détecté – au moins – un virus langagier qui, par les temps de contagion qui courent, se propage aussi vite que le Covid.
« Après avoir été informé ce matin être un cas contact (j’aurais préféré « après avoir appris que j’étais cas contact »), je me suis fait dépister aujourd’hui même, 22 novembre. Le résultat vient de tomber : je suis positif », confie l’insoumis député de l’Est.
Or, si je ne m’abuse, le verbe « dépister » répond à deux définitions – aussi précises qu'opposées – attestées par tous les monstres sacrés de la langue française, de nos Dupond et Dupont Larousse et Robert, à Littré, en passant par Thomas, Colin, Hanse et notre bonne vieille Académie, jamais avare en piqûres de rappel.
La première, la plus ancienne, dit ceci : « Découvrir un gibier en suivant ses traces. Dépister un lièvre. Par analogie. La police a fini par dépister le malfaiteur (Académie). La seconde, apparue aux XIXe siècle, propose l’inverse, sans pourtant exclure la première : « Détourner de la piste, lancer sur une fausse piste. Le renard a réussi à dépister les chiens. Le voleur a dépisté les agents lancés à sa poursuite. Fig. Dépister les soupçons. »
Si je comprends bien, quand « la police dépiste un criminel en fuite » c’est qu’elle l’a épinglé, quand « le criminel en fuite dépiste la police », c’est qu’il lui a filé entre les doigts.
Plus récemment, le terme « dépister » a élargi son champ de propagation au domaine médical : « découvrir les symptômes d’une maladie » (Littré), « découvrir une maladie latente » (Larousse), « dépister une maladie » (Robert), « dépister une maladie contagieuse » (Académie), etc.
Sous leur rubrique Dire, ne pas dire, les Immortels mettent toutefois en garde : « On évitera d’ajouter, par métonymie, au verbe « dépister », un nom complément d’objet direct qui ne serait plus celui de la maladie mais celui du malade», préconisent-ils. On ne dira donc pas : « dépister un cancéreux, dépister un tuberculeux ».
L’avertissement n’a visiblement pas convaincu le Trésor de la langue française informatisé (TLfi), lequel a entériné le sens de « découvrir une personne malade ». Quant à Marc Raynal, auteur du - remarquable - blog Parler français, il qualifie tout simplement d’ « incompréhensible » la position des Académiciens.
Après tout, on dépiste bien un lapin, un voleur, pourquoi pas un malade ? Sur la forme, l'argument me semble à tout le moins recevable. Sur le fond, je suis plus sceptique. Réduire la recherche d'éventuels malades à une vulgaire chasse au gibier, qu'il soit à plume, à poil ou de potence, m'apparaît en effet bien cavalier. Pour cette raison, je ne saurais trop vous encourager à limiter l’emploi du verbe en question à la maladie elle-même.
Je terminerai sur une certitude autour de laquelle tous les grands esprits se rencontrent : « dépister » n'est en aucun cas synonyme de « tester ». Jean-Hugues Ratenon l'avait sans doute oublié au moment de rédiger son communiqué. L’homme politique panonnais aurait été plus inspiré d’écrire : « Je me suis fait tester aujourd’hui même, 22 novembre. Le résultat vient de tomber : je suis positif. »
En clair, on teste d’abord, on dépiste ensuite.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire