C’est un communiqué de la préfecture de La Réunion qui m’a mis le pass(e) à l’oreille. Dans une - énième - incitation à respecter les gestes barrière(s), le grand messager de l'Etat évoquait une possible « extension du passe sanitaire ».
Tiens, tiens, il me semblait que, sur le modèle du pass Culture, le gouvernement avait opté pour la graphie à l’anglaise. C'était oublier qu'au débat sanitaire, s’était greffé un débat orthographique depuis que l’Académie française a cru bon, le 1er juillet dernier, de publier une vive critique contre l’emploi de l’anglicisme « pass », quelques mois après être montée une première fois au créneau pour défendre la féminité de LA Covid-19. Le comble pour une institution qui, pendant des décennies, a mené croisade contre la féminisation des noms.
Quoi qu’il en soit, comme d'habitude, les remarques des «Immortels » du quai Conti ont fait leur petit effet au sein des rédactions. Le Figaro s’est aussitôt fendu d’un article sans équivoque intitulé « N’écrivez plus pass sanitaire ! » Le Parisien a expliqué à ses lecteurs pourquoi, après avoir longtemps été partisan du « pass », il avait changé son fusil d’épaule. Libération a expliqué aux siens pourquoi il ne l’avait pas fait, ce qui lui a valu une flopée de messages de lecteurs mécontents. Enfin, Le Monde, grand défenseur de la langue française, n’a rien expliqué du tout : il était un militant de la première heure de la graphie française.
La presse écrite est aujourd’hui divisée sur le sujet. Le Nouvel Obs, La Croix, Marianne ou le JDD ont rallié le camp des pro-« passe ». Le Point, La Voix du Nord et Le Progrès font route avec les « anti », si j’en juge par leurs récentes publications. D’autres, comme Ouest-France et Sud Ouest, semblent ne pas avoir tranché, basculant d’une graphie à l’autre au gré des vents et des... secrétaires de rédaction de service.
Si la forme « pass » mène encore la course, l’écart se réduit de jour en jour, preuve que le tour de pass-passe académique a fonctionné. A La Réunion, la guerre du « pass(e) » n’a pas - encore - eu lieu. Par hasard, souvent, ou par conviction, parfois, les rédactions locales ont opté en bloc pour le « pass sanitaire ». Y compris la mienne. Pass…ons !
A ceux qui s'interrogent encore, je voudrais juste rappeler que le mot « passe » n’a pas attendu l’arrivée de la crise épidémique pour exister. On le retrouve, par exemple, dans le terme composé « passe-partout » ou dans l’expression « mot de passe ». Il aura fallu qu’un virus passe pour que l’influence anglaise nous contamine. Une fois de plus.
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