Je vais vous faire un a...vœu (désolé, c'était trop tentant !). Je guettais sa venue, tapi derrière mon écran d'ordinateur, tel le chasseur à l'affût du lapin. Et ainsi que je le pressentais, il ne m’a pas fallu longtemps pour voir poindre les oreilles de la bête, sous les traits d'un communiqué publié dans les colonnes d'un journal que j’aime bien. Il était signé de la main du président du conseil départemental, Cyrille Melchior, et commençait par ce traditionnel message adressé aux lecteurs... et électeurs : « Meilleurs vœux aux Réunionnaises et Réunionnais ».
Si la démarche est fort louable, la forme est autrement contestable. Consacrée par l’usage depuis des siècles, l’expression « meilleurs vœux » n’en est pas moins grammaticalement incorrecte. Comme le rappellent Jean Girodet, Jean-Paul Colin et Adolphe Thomas, pour ne citer qu'eux, elle équivaut à la locution superlative « mes vœux les meilleurs » et non à un élément comparatif, comme dans « meilleure santé » où l’on compare l’état de santé actuel à un état de santé passé. Dire "meilleurs vœux que l'an dernier" serait à tout le moins absurde. Il convient donc d'écrire : « mes meilleurs vœux » (les meilleurs vœux que je puisse présenter).
S’ils constatent son emploi « critiqué », d’autres grammairiens manifestent davantage de complaisance envers cette expression. Michèle Lenoble-Pinson (Le français correct) note que « les formules sans déterminant sont si fréquentes, à la fin de l’année, pendant les vacances, qu’il serait difficile de les chasser de l’usage et que malgré leur brièveté peu courtoise, elles sont admises comme des formules figées, stéréotypées ».
Joseph Hanse ne dit pas autre chose : « L’expression meilleurs vœux, devenue autonome passe-partout, imprimée sur des cartes de vœux, n’a pas été sentie comme un comparatif s’opposant à un superlatif : l’économie du déterminant possessif n’y semblait pas plus anormale que dans Bons baisers, hommages respectueux, sincères remerciements, amitiés. Cet emploi est donc répandu dans le bon usage lui-même. »
Je ne vais donc pas jouer les trouble-fête en condamnant ce qui n’a visiblement plus lieu de l’être. En revanche, si je peux me permettre un conseil de fin d’année, gardez-vous de « souhaiter » vos meilleurs vœux. Cela ferait double emploi, « vœu » n’étant rien d’autre que le synonyme de « souhait ». Afin d’éviter ce pléonasme, présentez vos vœux, adressez-les, offrez-les, exprimez-les, énoncez-les, formez-les, éventuellement formulez-les, ce ne sont pas les tournures correctes qui manquent.
Cela étant dit, je vous souhaite à mon tour une très belle année 2022. C'est le moment de dire ce que chacun d'entre nous vœu, oh pardon ! veut de meilleur.
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