Qu'il soit de la Normandie profonde, du Brabant wallon, du canton de Vaud ou du fin fond de l’Outaouais, aucun correcteur orthographique digne de ce nom ne se laisse aujourd'hui berner par l’expression fautive « en congés », abusivement « pluralisée » par confusion avec la locution voisine « en vacances ». J’en déduis donc qu'il y a quelques jours, celui du site d’information auteur de cette bourde faisait bronzette sur une plage de l’Ouest, ses algorithmes en éventail.
Si elle est entrée depuis belle lurette dans le langage courant, l’expression « en congé » est étonnamment absente de nombreux ouvrages de référence. Le Petit Robert est l’un des seuls à lui avoir ouvert ses portes, il est vrai, jamais très difficiles à forcer. Larousse l’ignore dans son grand dictionnaire illustré, mais pas dans sa version numérique. On en trouve trace également sur le site languefrancaise.com. Ce dernier justifie le singulier par le fait que « l’on parle de l’état d’un individu qui est en congé ». Rares sont les aventuriers de la langue à s’être mouillés sur le sujet, alors cette interprétation en vaut bien une autre. Quant à l’Académie, elle mentionnait la locution « en congé » dans la 8e édition de son dictionnaire avant de la faire disparaître sous sa forme absolue dans l’édition suivante.
Evolution phonétique du latin commeatus, lui-même dérivé du verbe commeare (voyager, circuler), le substantif « congé » s’est enrichi de nombreuses acceptions depuis sa venue au monde. Aujourd’hui, il est tantôt l’autorisation donnée à un salarié de cesser le travail, tantôt la position d’un fonctionnaire ou d’un parlementaire autorisé à ne pas exercer ses fonctions pendant une certaine période, tantôt la résiliation d’un contrat de travail ou de location, tantôt encore, l’autorisation de transporter une marchandise, après paiement du droit de circulation.
Quel que soit son sens, « congé » est la plupart du temps employé au singulier. C’est ainsi qu’on le retrouve dans le langage professionnel : congé individuel de formation, congé parental d’éducation, congé(-)maternité, congé annuel, congé sabbatique, congé sans solde, etc. Il est également présent dans les locutions « prendre congé » (se retirer) et « donner son congé à quelqu’un » (lui donner l’autorisation de partir).
La forme plurielle n’est apparue qu’en 1936 lors de l’arrivée des fameux congés payés dont nous profitons tous aujourd’hui avec un plaisir non dissimulé. De nombreux lexicologues considèrent qu’il s’agit là de l’exception qui confirme la règle. Larousse évoque toutefois les « congés de Noël ». Peut-être faut-il y voir le mot « payés » en filigrane…
De nos jours, les tours « en congé » et « en vacances » sont employés de façon quasi interchangeable. Il est toutefois de coutume de parler de « congés payés », de « vacances scolaires » (qui ne sont pourtant rien d’autre que des congés payés pour les adultes qui en bénéficient) et de « repos hebdomadaire ». Du bout de la plume, d’aucuns laissent d’ailleurs entendre que « congé » et « vacances » ne sont pas bonnet de bain blanc et blanc bonnet de bain. Entre autres définitions de « congé », Larousse fait état de « courtes vacances pour les élèves et les salariés générées à l’occasion d'une fête ». Et à l’entrée « vacances », Robert évoque un « temps de repos excédant quelques jours accordé légalement aux employés, aux salariés ». En résumé, si l’on suit, les Dupont et Dupond de la langue française, un congé aurait tendance à être de durée plus courte que les vacances. Mais qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.
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