Une importance conséquente

Lu dernièrement : « Un effet conséquent sur la santé et sur l'économie. »

Tous les linguistes le condamnent et cependant tout le monde en use sans rougir, vous les premiers (si, si, ne dites pas non !). L’emploi de l’adjectif « conséquent » au sens d’ « important », de « considérable » s’est installé avec force dans le langage courant, comme protégé par une forme d’immunité (collective, je l’espère) que rien ne pourra plus lui ôter. 

Pourquoi s’en émouvoir, après tout ? C’est bien connu, la règle impose, l’usage dispose. Ce qui est plus étonnant, c’est l’improbable cheminement qui a conduit le vocable en question, dérivé du latin « consequens » (qui suit), de son sens originel et toujours en activité à celui qui est devenu de nos jours le plus usité. 

Or, s’ils l’ont accueilli en leur sein, les dictionnaires usuels continuent de le manier avec des pincettes, qualifiant son emploi de « critiqué » ou de « familier ».  La seule définition de « conséquent » aujourd’hui attestée se résume à « qui raisonne, agit avec esprit de suite, avec cohérence », rappelle Grevisse. Et le célèbre grammairien wallon d’ajouter : « Il n’est en aucun cas synonyme d’important ». « Une personne peut-être conséquente avec ses principes ou dans ses actes si elle agit selon ses critères personnels », étaye Jean Maillet dans son livre Arrêtez le massacre ! publié aux éditions de l’Opportun. Alfred Gilder estime cependant que « dans le sens d’important, conséquent s’explique quand il y a cause à effet : il est P-DG avec un salaire conséquent (de sa fonction) », écrit-il dans son livre Les 300 plus belles fautes… à ne pas faire. J’avoue que si j’en perçois l’esprit, l’explication ne me convainc guère tant il me semblait qu’en tout état de cause, « conséquent » ne pouvait qualifier qu’un nom désignant un être doté de raison. 

Au-delà de l’effet de mode dont il bénéficie, « conséquent » jouit d’une forme de prestige intellectuel que les adjectifs auxquels il se substitue à tort ne possèdent visiblement pas. Pourtant, quelles conséquences fâcheuses y a-t-il à parler d’une mobilisation massive, d’une notable progression des ventes, d’un préjudice considérable, d’un coût élevé ou d’un soutien de poids ? 

L’important n’est-il pas de choisir le mot juste ?