La bourde est dans le prêt

Entendu dimanche : « La route de la corniche n’est pas prête d’ouvrir ses portes » (Réunion la 1ère Radio)

Mes yeux ne sont pas près (sur le point) de s’y faire. Et mes oreilles, pas davantage prêtes (disposées) à l’entendre. Pourtant, Dieu sait que l’erreur est courante et que nombreux sont les  journalistes à être tombés dans le piège de la proximité phonétique entre les locutions « près de » et « prêt à ». Voyez plutôt : 
«  L'histoire n'est pas prête de passer pour le joueur formé du côté de l'AS Saint-Etienne. » (Foot national)
« Il faut donc en permanence le consolider pour qu'il puisse tenir, sans manquer non plus de le rehausser pour s'adapter à la montée des eaux qui, elle, n'est pas prête de s’arrêter. » (TF1 Info)
« Une expérience que Loana n’est certainement pas prête de retenter un jour… » (Télé 7 Jours)

Si, de nos jours, la bourde paraît choquante aux yeux des fins lettrés que vous êtes, elle ne l’a pas toujours été. « Longtemps l’adjectif, ‘’prêt’’ put se construire avec la préposition ‘’de’’, rappelle l’Académie française. On trouve facilement cette construction chez les classiques » (…) « Après le XVIIIe siècle, cet usage tend à disparaître, même si ‘’prêt de’’ se lit encore chez Proust et semble réconcilier, grammaticalement à tout le moins, Robespierre, qui écrit : « s’il est vrai […] qu’un grand complot est prêt d’éclater.. », et Chateaubriand, chez lequel on lit : « Madame Jérôme Bonaparte, prête d’accoucher… » 

Afin d’apporter un peu de clarté, il a été décidé de construire « prêt » avec « à » et « près » avec « de ». « La première exprime la capacité, la disposition à faire quelque chose. Exemple : être prêt à se lancer dans la politique, être prêt à accepter le poste de directeur, etc. La seconde revêt une notion de proximité, spatiale ou temporelle. Elle équivaut à « sur le point de », « proche de », et s’emploie le plus souvent dans des phrases à la forme négative : ne pas être près de. Exemples : il n’est pas près de se lancer dans la politique, il n’est pas près d’accepter le poste de directeur général, etc.

Pour revenir à l’extrait d’article cité en introduction, il eût fallu écrire : « La route de la corniche n’est pas près d’ouvrir ses portes ».
Et voilà notre affaire réglée. Quoique… Vous allez dire que je pinaille, mais j’ignorais qu’une route pouvait avoir des portes. Une maison, un magasin, un stade, le paradis, oui, mais une route… Mais vous avez raison, je pinaille. Et je ne suis pas près de changer.