lundi 7 février 2022

Pronostic, c'est vital

Lu il y a trois jours : « Transporté au CHU pour surveillance, son pronostic vital n’est pas engagé » (Imaz Press Réunion)

Autrefois, pour dire qu’une personne risquait de mourir ou pire, qu’elle était à l’article de la mort, on disait qu’elle… risquait de mourir ou pire, qu’elle était l’article de la mort, et tout le monde, à une exception près, s’en portait très bien. 

Depuis vingt ans, une expression s’est diffusée aussi vite que le virus de la grippe (j’en ai marre de vous parler du Covid !) dans nos habitudes de langage, comme sublimée par un effet de mode alimenté par les médias bien davantage que par le corps médical lui-même. 

Dès qu’un blessé ou un malade est en danger de mort, le pronostic vital, qu’il soit à court, moyen ou long terme, est engagé ou réservé, ce dernier terme étant d’ailleurs, paraît-il, le plus fréquemment employé dans le jargon des urgentistes. 

  • « Le pronostic vital de l'étudiante poignardée n'est pas engagé » (Ouest-France)
  • « Le pronostic vital de l'homme de 50 ans, très grièvement blessé, est engagé, a précisé le magistrat. » (Le Figaro)
  • « Le pronostic vital d'un locataire des Acacias a été engagé, après le sinistre qui éclaté dans son appartement. » (20 Minutes)

Si, jusqu’au début du siècle, il était surtout en vogue dans le domaine sportif, le mot « pronostic » n’est pas un nouveau-né dans le milieu médical. Emprunté au bas latin prognosticus, lui-même emprunt du grec proginôstikein (connaître à l'avance), il est utilisé par Hippocrate dès le IVe siècle av. J.-C.. Celui qui est considéré comme le père de la médecine en fait d’ailleurs le titre d’un de ses traités relatif aux observations à faire lors de l’examen clinique. 


Ensuite, plus rien. Le terme « pronostic » disparaît du langage courant médical au profit de son quasi-synonyme diagnostic. Il est durant longtemps réservé au monde du sport, du turf, et aux paris qui en découlent. Il faut attendre 2002 et la loi Kouchner consacrée aux droits des malades et à la qualité du système de santé pour qu’à travers l’expression « pronostic vital », le mot connaisse une seconde vie dans la terminologie des soignants et rencontre l’incroyable — et macabre — engouement dont il est aujourd’hui l’objet. 

Et croyez-en mon pronostic, en voilà un qui a encore de beaux jours devant lui. 

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