mardi 8 février 2022

Le sexe du diable

Lu hier : « Le Covid impacte la mortalité à La Réunion » (Clicanoo)
Lu sur le même site, cinq jours plus tôt : « Cette semaine 31 nouveaux décès liés à la Covid-19 sont à déplorer dont 23 personnes non vaccinées ou présentant un schéma vaccinal incomplet. »

Depuis quelques jours, je me sens patraque. Il paraît que c’est ainsi que se décrivent ceux qui ont la malchance de contracter les derniers avatars de ce fichu virus qui nous enrhume la vie depuis deux ans. Alors, par précaution, je me suis présenté à la pharmacie du coin pour me soumettre à un test de dépistage et savoir si oui ou non j’avais en moi le Covid. J’ai bien dit le Covid. Pur réflexe professionnel, en fait, né de la consigne passée dans mon journal préféré de faire de la bébête un bonhomme, choix, je l’avoue, qui relève davantage du pile-ou-face que d’une véritable conviction linguistique. 

Notre rédaction n’est pas la seule à avoir discuté du sexe du diable, loin de là. Non content d’être devenu en l’espace de quelques mois le terme — et le thème — « favori » des médias, « Covid » a alimenté un débat bien éloigné du désastre sanitaire dont il est la cause, celui de son genre. Sans doute par analogie avec « coronavirus », le mot en question, responsable de tous nos maux, ne connaissait au départ qu’un seul sexe, masculin en l’occurrence, jusqu’à ce que l’Académie monte au créneau pour dénoncer ce qu’elle considère toujours comme une mutation sexuelle inacceptable. 
Les Académiciens partent du principe que « les sigles et acronymes prennent le genre du nom qui constitue le noyau du syntagme dont ils sont une abréviation. On dit ainsi la S.N.C.F. (Société nationale des chemins de fer français) parce que le noyau de ce groupe, société, est un nom féminin, mais le C.I.O. (Comité international olympique) », nous expliquent-ils, ajoutant que la règle s’applique lorsque le syntagme est composé de mots étrangers. « On distingue ainsi le FBI, Federal Bureau of Investigation, « Bureau fédéral d’enquête », de la CIA, Central Intelligence Agency, « Agence centrale de renseignement, puisque dans un cas on traduit le mot noyau par un nom masculin, bureau, et dans l’autre, par un nom féminin, agence. » 
Corona virus disease signifiant « maladie provoquée par le corona virus (“virus en forme de couronne”), « on devrait donc dire la covid 19, puisque le noyau est un équivalent du nom français féminin maladie, plaident les Immortels, qui ne s’étaient pas émus de la sorte au sujet du sigle « H.L.M. » (habitation à loyer modéré) ou du nom d’origine anglaise « week-end » (fin de semaine). 
Le même débat, en revanche, avait accompagné l’apparition de la (ou du) VAR (video assistant referee), un match que l’usage semble avoir gagné haut la main aux dépens de la logique grammaticale, le féminin étant aujourd'hui dominant dans le langage courant.

Mais revenons à nos mutants. Si le Québec a depuis longtemps opté en bloc pour le féminin (la Covid), le masculin demeure très largement majoritaire dans les médias français. À l’encontre des recommandations de l’Académie, Libération, Le Monde, Le Figaro, L’Express, L’Équipe, Les Échos, Le Parisien, le JDD, Ouest-France, La Voix du Nord et la quasi-totalité de la presse écrite tricolore (sauf les publications à caractère scientifique, tiens, tiens !) ont jeté leur dévolu sur « le Covid », estimant sans doute que faire porter à un nom féminin le poids d’une telle pandémie faisait mauvais genre.

Fallait-il s’attendre à la même unité chez les dictionnaires usuels ? Sans doute pas. Dans un premier temps, Le Robert et Larousse s’accordent pourtant à… ne rien décider :  Covid est masculin... ou féminin, nous disent-ils. Mais quand le premier, s’appuyant sur l’usage, conseille le masculin, le second, au nom de la règle, estime le féminin « plus correct ». En désaccord sur le genre viral, nos Dupont et Dupond de la langue française ne sont pas davantage en phase au sujet de l'emploi - ou non - de la majuscule initiale. Alors, 
« Covid » (Larousse) ou « covid » (Robert) ? Là encore, à vous de choisir !
Au fait, je n’ai pas le… euh, la… Bref, mon test antigénique s’est révélé négatif. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Paralympique, paraphasie, paratonnerre… Besoin d'un paracétamol ?

Thème favori de toute la presse du jour : « La grande parade des athlètes français des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ». Dés...