dimanche 13 février 2022

Péché gourmand

Vous allez me dire qu’en pleine période de Jeux olympiques d’hiver, je fais du hors-piste. Mais hier, mes yeux se sont portés par un pur hasard sur l’émission de M6 que ma femme avait perfidement choisi de m’infliger : « La meilleure boulangerie de France ». Je le sais, je sors du « domaine d’exquis » dans lequel je me cantonne habituellement par confort, celui de la presse numérique locale, mais comme je suis en vacances, j’ai décidé d’aller planter mes bâtons là où il me sied de le faire. 

Donc, toujours par hasard, je le précise encore, j’entends l’un des animateurs de ladite émission, Norbert Tarayre il me semble, sorte de mâchoire montée sur ressorts, regretter que le dessert proposé ne soit « pas assez gourmand ». La phrase m’agace plus qu’elle ne m’étonne. Je n’ignore pas que « gourmand » n’est plus seulement celui qui mange, morfal ou gourmet, mais aussi ce qui est mangé. 

C’est ainsi que depuis une trentaine d’années, le mot du jour a été cuisiné à toutes les sauces. Il qualifie tout aussi bien ce qui transite par nos assiettes (recette, pâtisserie, création, salade, suggestion, plat, gâteau…) que les événements, lieux ou moments où nous sommes censés faire honneur à la bonne chère (randonnée, sortie, salon, marché, circuit, journée, novembre, été, décembre…) et tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, nous rappelle que la chair est faible (sourire, regard, formes, poitrine, bouche…). 

Mais qu’est-ce qu’a fait « gourmand » pour être ainsi l’objet d’une telle boulimie ? Cet excès de malbouffe n’a pas manqué de donner des haut-le-cœur aux Académiciens, dont l’estomac est réputé délicat. « On parle maintenant de produits gourmands, de desserts gourmands, et de bien d’autres encore, quand il aurait suffi que ces produits ou desserts soient pleins de goût ou savoureux. […] On ne suivra pas cette mode et l’on n’emploiera gourmand que pour qui aime les plaisirs de la table et de la chair », exhortent les sages du quai de Conti. 

Malgré cette mise en garde, l’acception « revisitée » a reçu l’agrément des Gault et Millau de la langue française, je veux parler du Grand Larousse et du Petit Robert, toujours à l’affût d’une nouveauté à se mettre sous la dent, qu’importe la qualité du produit. Je ne suis pas sûr qu’il faille s’en pourlécher les babines. 
J’écris, j’écris et je ne vois pas le temps passer. Il est 18 h 30 et l’émission favorite de ma femme va bientôt commencer. Je me trouve donc contraint et forcé de vous laisser, non sans vous avoir souhaité un délicieux dîner. 

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