samedi 2 avril 2022

Avenir-futur, si lointains, si proches

Lu il y a deux jours : « La nouvelle ligue d'esport réunionnaise est prête à accompagner les sportifs du futur. » (lequotidien.re)


« Vaste sujet ! » me fit remarquer un mien collègue fin lettré après que je lui eus confié ma tentation de commettre un billet que j’ai d’abord envisagé d’intituler, puis que j’ai décidé d’intituler et que j’ai fini par intituler « avenir-futur, si lointains, si proches ». Mais n’en parlons plus, c’est déjà du passé.


Je laisse à d’autres, à ceux qui pensent que « l'avenir est encore le passé entré par une autre porte » ou « que le futur sera meilleur demain » le soin de traiter l’aspect philosophique de la chose. D’aucuns l’ont fait, le font et le feront mieux que moi. Et pour tout vous avouer, je n’ai pas assez de temps devant moi ce matin pour sacrifier à la question quelques neurones innocents.  Je vais donc m’en tenir sagement à la supposée différence sémantique qui existe entre « avenir » et « futur ».


Car ces deux mots dont on use de nos jours telles deux paires de chaussettes identiques, ne sont pas interchangeables, nous affirme, péremptoire, l’Académie. «’’Avenir’’ désigne une époque que connaîtront ceux qui vivent aujourd’hui, alors que ‘’futur’’ renvoie à un temps plus lointain, qui appartiendra à des générations qui nous suivront. Employer en ce sens ‘’futur’’ pour ‘’avenir’’ est un anglicisme qu’il convient de proscrire. De la même manière, on n’emploiera pas le terme ‘’futur’’ pour évoquer la situation à venir d’une personne, mais on parlera bien de son avenir », étayent les vieux sages du quai de Conti.  


« Il faut souligner l’emploi abusif de ''futur'' au détriment d’''avenir'', sous l’influence de l’anglais future, qui peut traduire les deux formes », détaille pour sa part l’Office québécois de la langue française. « Il faut donc éviter d’employer ‘’futur’’ là où le contexte commanderait normalement ‘’avenir’’, poursuit-il Cette mise en garde ne doit toutefois pas nous empêcher d'employer futur dans les contextes appropriés. » Reste à savoir lesquels…Qu'à cela ne tienne, la maison Robert, Grevisse, Capelovici, Gilder et bon nombre de linguistes ont adopté la même ligne de conduite, sans autre forme d’explication. Autrement énoncé, nous avons tous le même futur, mais notre avenir nous est propre. Dit encore différemment, nous connaîtrons tous notre avenir, jamais notre futur.


Or, ce n’est pas l’avis de tout le monde. Prônant ouvertement l’égalité des sens, Larousse, tout comme Littré, définit « avenir » comme le « temps futur » et « futur » comme le « temps à venir » que le même Littré résume à « ce qui sera ». On s’y perd.


Au lieu de nous aider, la machine à remonter le temps qu’est le Dictionnaire historique de la langue française ne contribue qu’à semer le trouble sur les raisons qui ont conduit à la distinction des deux termes. Alain Rey, l’auteur de ce magnifique ouvrage, ne nous explique-t-il pas qu’ « avenir », substantivation des expressions « temps advenir » (XIIIe s.) puis « temps à venir » et « estre à venir » (XVe s.), « désignait la période du temps qui n’est pas accomplie, et s’oppose à ‘’passé’’ et ‘’présent ‘’ ». Mais voilà que quelques centaines de pages plus loin, l'ancien rédacteur en chef des dictionnaires Robert nous indique que « dès le XIIIe siècle, l’adjectif ''futur'' a été substantivé pour l’ ''avenir'' ». 


J’en déduis que dans un passé lointain, « avenir » et « futur » étaient donc frères, avant de prendre, on ne sait trop ni comment ni pourquoi, des chemins temporels séparés, puis de se rapprocher à nouveau dans la seconde moitié du siècle dernier. « La répartition des emplois entre « avenir » et « futur » a été modifiée à partir des années 1960 au bénéfice du second, sous l’influence de l’anglais future », constate en effet Alain Rey qui, à l’entrée « avenir » de son dictionnaire, observe qu’ « après 1980, le mot est de plus en plus souvent concurrencé par ‘’futur’’ », toujours sous l’influence de l’anglo-américain future ». 1960 d’un côté, 1980 de l’autre, le fondateur des éditions Robert aurait-il perdu la notion du temps ?


Comme souvent, l’Office québécois de la langue française apporte une nuance intéressante. Encore eût-il fallu qu’il l’argumentât. « C’est dans leurs emplois, dans les éléments qui les entourent en contexte, explique-t-il que l’on peut trouver ce qui les distingue. Si dans certains contextes, ils peuvent être employés indifféremment, par exemple les moyens de transport de l’avenir ou du futur, dans la plupart des contextes, un terme est préférable à l’autre ou un seul des deux est possible. Le nom ‘’futur’’ s’emploie le plus souvent par opposition à passé et à présent; son sens est essentiellement temporel. Il renvoie à un temps à venir imaginé, lointain, sans référence particulière à ce qui adviendra dans ce temps à venir. Le nom ‘’avenir’’ quant à lui renvoie à quelque chose de plus concret, de plus proche. L’’’avenir’', c'est du temps à venir rempli par des événements, des projets, etc. On imagine le futur, on pense à l’avenir en quelque sorte. »

Imaginer, penser… Que voilà deux autres cousins aux parcours étroitement liés ! Vaste sujet, me rétorquerait mon lettré collègue…

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