Que voilà une construction grammaticale propre à éveiller les interrogations ! Elle jouit pourtant d’un incontestable effet de mode, y compris auprès de médias pas toujours regardants sur le sens des mots qu’ils répandent. Témoin ces extraits d’articles publiés hier et aujourd’hui sur la Toile :
- « La patience de la BCE interroge » (Zone Bourse);
- « Des dizaines de jeunes sangliers abattus dès le premier jour, une battue interroge dans le Cotentin » (La Presse de la Manche);
- « L'earthship : un modèle de construction durable qui interroge » (RTBF);
- « Un comportement qui interroge » (Outre-mer la 1ère);
- « Une exposition qui interroge la place de la femme » (Ouest-France)…
Or, les ouvrages de référence, le Dictionnaire de l’Académie en tête, nous rappellent en chœur que, d’une part, le verbe « interroger » ne se construit qu’avec un complément d’objet direct, et que d’autre part, il ne peut avoir comme sujet qu’un être humain ou un ensemble d’êtres humains. Exemple : « L'institut I4CE a interrogé les candidats sur le budget qu'ils consacreront à la transition écologique. »
Malgré l’existence de substituts plus précis tels que « troubler », « intriguer », « faire débat », « faire naître la curiosité, la perplexité, l’interrogation… », « agacer », « perturber », « horrifier » et bien d’autres encore, selon les nuances souhaitées, « interroger » continue de faire florès dans son acception aussi évasive qu'abusive. Il n’est d'ailleurs pas le seul dans ce cas. « Ces remarques s’appliquent également au verbe interpeller », observent à juste titre les vieux sages du quai de Conti, jamais avares en mises en garde dès qu’un sujet les… questionne.
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