mardi 19 avril 2022

Noms collectifs : à vot' bon sens m'sieurs dames !

Lu hier : « Une équipe internationale de chercheurs ont recensé plus de 5 000 nouveaux virus sous les océans… La majorité fait partie de branches inconnues. » (linfo.re)

L’immense majorité des linguistes vous le diront (les autres sont des menteurs) : l’accord du verbe avec un nom collectif est l’un des pires casse-tête que la langue française ait enfantés. Pour m'y être maintes fois cassé la mienne de tête, je peux témoigner de la difficulté de la chose. Pas étonnant, donc, que les mêmes linguistes se montrent la plupart du temps en désaccord sur cet accord à interprétation variable.
 
D’abord, qu’appelle-t-on un nom collectif ? Tout simplement, un nom au singulier qui désigne un ensemble d’individus ou d’objets. Bien singulier, me direz-vous. Et c’est justement là qu’est le hic. Le verbe qui suit le nom collectif doit-il s'accorder avec ce dernier, autrement dit s'écrire au singulier, ou au contraire, se mettre au pluriel pour la simple et sans doute bonne raison que ledit nom collectif met l'accent sur la pluralité ? 
J’ai longtemps fait partie de ces esprits cartésiens, voire étroits, n'ayons pas peur des maux, qui n’imaginaient pas un seul instant pouvoir unir un sujet singulier avec un verbe pluriel. Un tel attelage était inconcevable à mes yeux. Aujourd'hui, je l'avoue, j’avais tort. 

Le drame avec les noms collectifs, c’est qu’il en existe une multitude, que dis-je, une foultitude, une kyrielle, une infinité… D’une partie à la totalité, d’une dizaine à la majorité, d’un groupuscule à une armée, on les compte par centaines. Nuances et cas particuliers sont donc légion, ce qui ne concourt pas à éclaircir la compréhension de principes souvent accompagnés de frileuses mentions telles que « normalement », « en général », « en principe », « le plus souvent », « régulièrement » … Quoi de plus flou, en effet, que ces termes qui nous indiquent que c'est presque toujours... mais pas toujours ? Et comme à chaque fois que la règle flanche, c’est la logique qui est appelée à la rescousse. Encore faudrait-il que nous eussions la même.

Essayons tout de même de tracer quelques lignes directrices, car il en existe.  
— Les grammairiens avancent quasi groupés pour défendre l’idée que lorsque le nom collectif est employé seul, l’accord se fait « en général » avec ce dernier… , sauf si un complément du nom est sous-entendu. Notez que la chose n'est pas rare... 
— Ils nous disent également que l’accord avec le nom collectif est privilégié, mais pas imposé, quand il est précédé d’un article défini (la, le), d’un possessif (mon, ma, ton, ta, son, sa), d’un démonstratif (ce, cet, cette) ou d’un adjectif épithète. Dans ce cas, on estime que ces derniers renforcent l'importance du nom collectif dans la phrase. En revanche, l’accord au pluriel devient obligatoire quand le collectif est accompagné d’un attribut au pluriel. Exemple : une partie des participants sont des femmes.  
— Lorsque le collectif est précédé d’un article indéfini (un, une), l’accord peut se faire avec le collectif, et donc au singulier, si l’idée de la globalité prédomine, ou avec le complément si l’on veut insister sur la notion de pluralité. Exemples : « une foule de manifestants s’est introduite dans la préfecture » ou « une foule de manifestants se sont introduits dans la préfecture ». À vous de voir  ! Dans l'histoire, le seul qui n'a pas le choix, c'est le préfet.
— Autre principe : l’accord au pluriel est imposé après « la plupart », qu’il soit ou non accompagné d’un complément. Il est fortement préconisé avec « comme tant de », « quantité de », « nombre de », « un grand nombre de », « beaucoup de », « peu de », « trop de », « tant de », « bien des », « la majeure partie de ». 
— De nombreux grammairiens, tels que Grevisse, Girodet, Thomas ou Jouette, estiment qu’après « la majorité » ou « la minorité », l’accord se fait « généralement » au singulier (notez bien le « généralement »), en particulier si ces deux noms collectifs sont pris au sens strictement mathématique et expriment une quantité précise. Le pluriel est préféré dans le cas contraire, lorsqu’il s'agit d'une valeur approximative. Ce principe vaut pour les noms collectifs fractionnaires « moitié », « tiers », « quart » , etc.

Sommes-nous beaucoup plus avancés ? Pas vraiment, tant la subjectivité occupe une place déterminante dans le choix de l’accord. 
Doit-on dire : 
« Une infinité d’étoiles illumine le ciel » ou « une infinité d’étoiles illuminent le ciel » ? 
« Une grande partie des électeurs s’est mobilisée » ou « une grande partie des électeurs se sont mobilisés » ? 
« La majorité des Français a perdu confiance » ou « la majorité des Français ont perdu confiance » ?

À votre bon sens, m’sieurs dames !

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