Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’en matière de respect du français, il ne faut surtout pas prendre ce qui est écrit dans la presse pour argent comptant. Même lorsque l’expression fautive, en l’occurrence « sans compter sur », figure dans un récent article de la très vénérable Agence France-Presse, toujours prompte (après tout, c’est sa vocation) à propager la bonne nouvelle, souvent la mauvaise, ainsi que d’inévitables entorses à la langue (personne n’est infaillible) que les médias de France, de Navarre et de par-delà nos frontières reproduisent tout aussi rapidement et sans ciller.
À la décharge des contrevenants, il y a beau temps que, par confusion avec le tour « compter sans », la locution « sans compter sur » (ne pas se fier à, ne pas avoir confiance en) a envahi l’usage au sens erroné de « sans tenir compte de ».
Personne ne semble y échapper.
- « Cela pourrait sembler mièvre, pétri de bons sentiments, mais ce serait sans compter sur la délicatesse de Mikhaël.» (Le Figaro Madame)
- « C'était sans compter sur la folie bien maîtrisée de l'un des producteurs, Philippe Maindron. » (Ouest-France)
- « C'était sans compter sur le manque d'appétit de ces demoiselles ». (L’Indépendant)
- « C'était sans compter sur le soutien du personnel de l'établissement n'a pas manqué de les encourager. » (L’Union)
- « … sans compter sur des patients qui se languissent des temps d'attente pour consulter un spécialiste ». (La Dépêche)
- « C'était sans compter sur le sang froid des Grecs qui ont parachevé leur succès en inscrivant leurs huit derniers points aux lancers francs… » (Franceinfo)
Même Le Monde s’en est laissé conter : « C’était sans compter sur la résistance ukrainienne et la mobilisation des Occidentaux. »
À qui peut-on se fier si le quotidien le plus respectueux des bonnes mœurs langagières se laisse aller à pareil dérapage ? Vous rendez-vous compte ?
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