lundi 1 août 2022

Sri(-)lankais : le trait d'union de la discorde

Lu il y a 18 heures : « Un bateau Sri Lankais accoste au Port avec 6 personnes à bord » (clicanoo.re)
Quinze heures plus tard, sur le même site : « Un bateau sri-lankais accoste avec 6 personnes à bord »

Un bateau de pêche sri(-)lankais qui jette l'ancre à La Réunion, comme ce fut le cas dimanche au Port, ça fait toujours couler beaucoup d'encre. Et l’événement n’a pas fini d’en déverser, comme à chaque fois que des ressortissants de l’ancienne île de Ceylan viennent — malencontreusement — « échouer » sur nos côtes dans l’espoir d’y trouver une eau plus bleue qu'au large de Colombo ou de Jaffna, dans un pays victime d’une crise économique et humanitaire sans précédent. 
Et comme toujours en pareil cas, la même question refait surface au sein des rédactions : sri(-)lankais, avec ou sans trait d’union ? Disons-le tout de suite, voilà bien un exemple révélateur de l’anarchie qui règne dans la typographie française. Pourtant, l’arrêté du 4 novembre 1993 relatif à la terminologie des noms d'États et de capitales semblait avoir clarifié la situation, stipulant notamment l’emploi d’un trait d’union dans les gentilés issus de noms de pays ou de villes qui n’en possèdent pas dans leur graphie d’origine. Exemples : New York mais New-Yorkais, Buenos Aires mais Buenos-Airien, Sierra Leone mais Sierra-Léonais, … Sri Lanka mais Sri-Lankais. 
La règle est donc limpide : propres ou communs, les noms de lieux étrangers non francisés - de plus en plus rares - suivent les règles typographiques de leur langue d'origine. En revanche, les termes francisés dérivés de ces noms sont logiquement soumis aux règles typographiques françaises, lesquelles exigent notamment la présence d'un trait d'union entre les différents éléments d'un nom composé. Ainsi, New Zealand a donné le toponyme français Nouvelle-Zélande, le gentilé Néo-Zélandais et l'adjectif néo-zélandais. 

Curieusement, les typographes se montrent très discrets sur le sujet. A l’entrée « New York » de son livre La majuscule, c’est capitale, Jean-Pierre Colignon se contente d’un laconique « le gentilé prend un trait d’union ». Même retenue chez les linguistes, Girodet et Hanse évoquant les New-Yorkais sans autre forme de justification. 

Et pour sri(-)lankais, me direz-vous, on fait quoi ? Plus courageux que ses confrères, le Québécois André Racicot s’avance sans hésiter : « Les habitants du Sri Lanka s’appellent des Sri-Lankais ». L’Académie, elle, ne dit rien. Silence radio chez Robert. Larousse ne se mouille pas davantage, laissant le choix entre « sri lankais », sri-lankais » et « srilankais ». Enfin, histoire d'accentuer le trouble ambiant, Littré propose « sri lankais ». Ils sont vraiment cingalais…oh ! pardon cinglés, ces dictionnaires ! 

Du côté de la presse écrite, ce n’est pas non plus le trait d’union sacré. N'écoutant que leur bon sens (que je partage), les quotidiens Le Monde et Le Figaro ont adopté la graphie « sri-lankais », à l’inverse de Libération, partisan de « sri lankais ». Quant à Ouest-France, il hésite… Comme on dit dans ma Normandie natale, p
'têt ben qu'oui, p'têt ben qu’non.

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