1 + 1 = 3

« Le quotidien L'Express l'a accusée d'avoir utilisé une carte de crédit de Planet… Celle-ci a été utilisée à 61 reprises aux quatre coins du monde entre… » (Le Quotidien de La Réunion)

Décidément, français et mathématiques ne sont pas bons amis. J’ai déjà eu l’occasion de dire tout le bien que je pensais des légèretés arithmétiques et géométriques de notre langue. Je n’ai jamais compris par exemple comment un nom pouvait s’employer au pluriel sans jamais être passé par la case « singulier » (fiançailles, représailles, décombres…). 
Aussi, l’extrait d’article ci-dessus ne pouvait-il que heurter mes algorithmes. Je passerai sur les quatre coins de ce monde qui n’est ni carré ni rectangle pour vous parler d’un cas qui relève de l’impossible équation pour mon esprit cartésien, celui du substantif « reprise » qui, si je ne m’abuse, est l’ « action de reprendre, de recommencer, la répétition d’une action, d’un propos, d’un geste », nous dit l’Académie. 
J’accepte sans barguigner que l’on parle de « reprise économique » pour nous dire que les affaires reprennent du poil de la bête ou de « reprise d'une chanson » lorsque cette dernière est remise au goût du jour. En revanche, au nom de quel postulat, l’usage a-t-il fait de « reprise » un synonyme de « fois » alors qu’en toute logique, la deuxième reprise devrait équivaloir à la troisième fois, la troisième reprise à la quatrième fois et ainsi de suite ? Le jargon sportif ne nous aide pas beaucoup. Si en football, la reprise correspond bien au début de la deuxième période d’un match, elle est l’équivalent français de l’anglais round (tour) dans certains arts martiaux. Va comprendre !

Et inutile de compter sur l’appui des dictionnaires usuels dont les exemples ne font qu’entretenir le doute. « À plusieurs reprises » signifie « plusieurs fois », s’accordent-ils à dire sans bien sûr nous préciser si dans ce cas, le nombre de reprises est égal au nombre de fois. Courage, fuyons !
Alors, avant de vous laisser (re)prendre au piège par ce fichu mot qui nous cause tant de tracas, prenez la peine d'y regarder à deux fois.