À l’Institut de France, siège de l’Académie, on ne badine pas avec le code de — bonne — conduite langagière. Ainsi, ne parlez surtout pas aux Immortels d’un piéton ou d’un camion accidenté, d’accidentés du travail ou de la route ! Ils n’y verront que langage familier et emplois abusifs.
Ils ne sont pas les seuls à brandir le panneau d’interdiction au nez de l'usager. Une armée de linguistes, parmi les plus conservateurs, considèrent que l’adjectif « accidenté » ne doit pas sortir des acceptions attestées par les locataires du quai de Conti : « dont le relief présente des inégalités » ou au sens figuré « qui comporte des événements multiples et divers ». On parlera ainsi d’un terrain accidenté, d’une carrière accidentée. Tout autre emploi constituerait à leurs yeux une infraction caractérisée.
Seulement voilà, la peur du gendarme n’a jamais dissuadé l’usager de la langue de contrevenir aux règles en vigueur. Fondateur de la maison Robert, Alain Rey dresse un constat sans appel : accidenté « a rejoint le sens le plus courant d’accident par un emploi critiquable de l’adjectif (une voiture accidentée) et plus encore de substantif s’agissant de personnes (les accidentés) ».
Quant à la maison d’en face (Larousse), elle observe que « le mot est aujourd’hui admis dans la langue courante, aussi bien pour les personnes que pour les choses », mais que « dans l’expression soignée », il est préférable d’employer « blessé, commotionné, contusionné, etc., pour les personnes et endommagé, détruit pour les choses ».
En résumé, ce n’est pas bien de rouler en sens interdit, mais comme tout le monde le fait…
Remarque : l’expression « accidenter quelqu’un ou quelque chose » est vivement déconseillée. On évitera de dire : « Un chauffard a accidenté trois personnes » ou « Trois personnes ont été accidentées en traversant la rue ».
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