jeudi 5 janvier 2023

À pile ou Boniface

Lu il y a deux jours : « Après 40 ans de robe, dont 37 passés au barreau de Saint-Denis, l'avocat pénaliste Rémi Boniface prend sa retraite. Il met un terme à une carrière des plus riche marquée notamment par plusieurs affaires emblématiques : du dossier Hilarion à la tuerie de Fénoarivo, ou encore l'affaire Carl Davies. »

Plus d'un lecteur de ma connaissance, parmi les plus intégristes de la langue que j'aie eu l'occasion de croiser, a  dû crier au scandale en découvrant les quelques lignes ci-dessus. Quoi, encore un journaliste ignare (qui a dit pléonasme ?) qui ignore qu'après « des plus », « des moins » ou « des mieux », l'adjectif se met obligatoirement au pluriel et ce, même si le nom auquel il se rapporte est au singulier ! Exemple : « À La Réunion, Maître Boniface était une ''robe noire'' des plus médiatiques. » 
Notez bien que mes grincheux amis n'auront pas à creuser profondément dans les ouvrages dits « de référence » pour tomber sur quelque avocat (Girodet, Larousse, Office québécois de la langue française…) prêt à plaider en leur faveur. Le problème, c'est que vous n'aurez pas davantage de difficultés à en trouver (Académie, Grevisse, Hanse, Robert…) qui objecteront que la cause des premiers est des plus… indéfendable(s). 

Alors, pluriel ou singulier après « des plus » ? Ça dépend, aurait répondu l'humoriste Fernand Raynaud. Ça dépend en fait de l'acception que l'on accorde à ladite locution. Au sens de « parmi les plus », le pluriel s'impose. À la barre, Jacques Capelovici. « L'adjectif qui suit ''des plus'' se met au pluriel quand il se rapporte à un nom », tranche l'ancienne vedette des « Jeux de 20 heures », émission télévisée que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître. Toute autre règle est « peu logique » essuient d'un coup de manche ses confrères linguistes Daniel Péchoin et Bernard Dauphin. 
Peu logique, peu logique, comme ils y vont ! De nombreux grammairiens font en effet remarquer que « des plus » peut également être pris au sens adverbial de « très, extrêmement, au plus haut point, au plus haut degré » et que dans ce cas de figure, il s'agit d'un superlatif dépourvu de toute idée de comparaison. Prenons la célèbre phrase d'Émile Henriot : « M. Coutre était des plus satisfait de sa femme ». Bien que n'ayant pas connu Mme Coutre, je suis fondé à penser qu'en bon mari qui lui voulait du bien, M.Coutre était au plus haut point satisfait de son épouse et non qu'il en était satisfait... parmi d'autres satisfaits.

Je l'avoue, la nuance est parfois difficile à établir. Ainsi, quel message veut faire passer le quotidien régional Vosges Matin quand il écrit : « Porte-étendard de l'Athletic Vosges Entente Clubs (AVEC), le trentenaire présente également un profil de footballeur des plus intéressants » ? Que le trentenaire en question possède un profil extrêmement intéressant (superlatif) ou que son profil fait partie des plus intéressants qui soient (comparatif). Encore faudrait-il savoir sur quoi repose la comparaison : sur les profils de footballeurs du monde entier, de France, de Navarre, des Vosges ou de la charmante commune de Miremont, siège de l'AVEC ? Dans le doute, comme pour M. Coutre, je préconiserais le sens adverbial et donc le singulier quand d'autres conseilleront le pluriel. 
Car s'il est bien une règle sur laquelle les grands pontes la langue ne sont pas près d'accorder leur grammaire, c'est bien celle-là, les deux écoles de pensée continuant à s'affronter sans la moindre concession. Le type de bataille qui n'aurait sans doute pas déplu (ou des plus, c'est vous qui voyez) au combatif Maître Boniface. 

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