Lu il y a trois jours « … que la commémoration de l'Indépendance n'est pas simplement symbolique, mais un moment pour se rappeler des sacrifices qui ont forgé une nation. » (Le Quotidien de La Réunion)
En cas de troubles de la mémoire, nous pouvons toujours compter sur l'Académie française pour nous la rafraîchir. Ainsi, le 1er décembre 2011, sous sa rubrique Dire, ne pas dire, la sage assemblée gratifiait ses lecteurs du rappel à l'ordre suivant : « Par une confusion fréquente, se rappeler, qui doit être suivi d’un complément direct, est construit fautivement comme se souvenir, dont le complément est introduit par la préposition de. Cette erreur est particulièrement frappante lorsque le complément est un pronom. »
« On dit » donc, disait-elle :
— Se rappeler son passé ;
— Se souvenir de son passé.
Et par ricochet :
— Je me le rappelle, je me rappelle cela ;
— Je m’en souviens, je me souviens de cela.
Mais « on ne dit pas » :
— Se rappeler de son passé ;
— Je m’en rappelle, je me rappelle de cela.
Pas plus que :
— Ce monument dont je me rappelle.
Une fois que nous avons dit cela, nous pourrions supposer avoir tout dit. L'affaire serait trop simple. Elle l'est d'autant moins que les grammairiens ont le chic pour affoler nos algorithmes. À commencer par l'Office québécois de la langue française, lequel observe que « souvenir » était à l'origine un verbe impersonnel (« C'est du plus loin qu'il me souvienne ») et que c'est sous l'influence de « se rappeler » qu'il s'est « pronominalisé » à partir du XVIe siècle. Et selon lui, si nous avons pris la sale habitude d'affubler « se rappeler » de la préposition « de », ce n'est que par analogie avec « se souvenir de ». En résumé, les deux verbes seraient aujourd'hui victimes de leur mauvaise influence mutuelle. Certains défenseurs de la langue vont d'ailleurs jusqu'à préconiser l'emploi de la préposition « de » avec « se rappeler », notamment quand ce dernier est suivi d'un infinitif, a fortiori s'il exprime une action à accomplir, une intention : « Rappelle-toi d'aller à la boulangerie avant d'acheter les produits frais. »
Il faut bien avouer qu'à vouloir suivre aveuglément la règle, nous nous exposons à des contorsions phonétiques qui font mal à la bouche. Vous viendrait-il à l'idée de dire : « Je me te rappelle », « tu te nous rappelles », nous nous vous rappelons ? Bien sûr que non. « L'emploi de se rappeler comme transitif direct n'est pas possible avec les compléments me, te, nous, vous », tranche d'ailleurs Grevisse. « Se rappeler ne peut pas avoir pour complément les pronoms personnels de première et de deuxième personne », confirme Larousse, ce qui semble avoir le don d'agacer le pragmatique Bruno Dewaele (À la fortune du mot) : « Si le verbe se rappeler est transitif direct, il l'est partout ou il ne l'est nulle part. »
Que faire, en effet, si le tour « je me te rappelle » est déconseillé, voire proscrit, et que « je me rappelle de toi » l'est tout autant ? Une seule issue : la fuite. Autrement dit, substituer « se souvenir de » (ou « ne pas oublier de ») à « se rappeler » quand ce dernier vous torture les lèvres. Ainsi, dans l'exemple cité plus haut, aurais-je opté pour : « Souviens-toi que tu dois aller à la boulangerie avant d'acheter les produits frais » ou, plus certainement, « n'oublie pas d'aller à la boulangerie avant d'acheter les produits frais ».
La méthode apparaît infaillible. Elle l'est, à condition évidemment que les deux verbes soient interchangeables. Or, « se souvenir » c'est avoir toujours à l'esprit alors que « se rappeler » est un acte plus volontaire qui peut exiger un effort de votre mémoire, objectent certains puristes. Rassurez-vous, de nos jours, la nuance est presque totalement tombée aux oubliettes. Vous pouvez aller acheter votre pain en toute tranquillité.
La méthode apparaît infaillible. Elle l'est, à condition évidemment que les deux verbes soient interchangeables. Or, « se souvenir » c'est avoir toujours à l'esprit alors que « se rappeler » est un acte plus volontaire qui peut exiger un effort de votre mémoire, objectent certains puristes. Rassurez-vous, de nos jours, la nuance est presque totalement tombée aux oubliettes. Vous pouvez aller acheter votre pain en toute tranquillité.
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