vendredi 22 décembre 2023

L'oppression de l'usage

Lu hier : « De la Palestine à la République du Congo, de la Libye au Soudan, de l'Iran à l'Afghanistan, les peuples continuent d'être réprimés, oppressés, exploités et massacrés par leurs dirigeants ou leurs voisins. » (Imaz Press Réunion)

Le danger avec les paronymes, c'est que par définition, ils se ressemblent. Tellement, parfois, qu'on finit par les confondre. Les verbes « opprimer » et « oppresser » n'échappent pas à la règle. Et en y regardant de plus près, on comprend rapidement pourquoi. Le Dictionnaire historique de la langue française (Alain Rey, éditions Le Robert, 2016) nous apprend ainsi qu' « opprimer » est un emprunt au latin opprimare qui signifiait « presser, comprimer », acceptions très proches de notre actuel « oppresser », et qu'au figuré, il équivalait à « faire pression sur, accabler ». « Oppresser », lui, est issu d'oppressum, lui-même supin… d'opprimere, comme on se retrouve ! Il est apparu au milieu du XIVe siècle avec le sens d'… « accabler par excès d'autorité ». Tiens, tiens, ça ne vous rappelle personne ?
En résumé, il fut une époque où « opprimer » et « oppresser » pouvaient s'employer indistinctement sans risque de répression de la part de vétilleux linguistes. Pour éviter toute concurrence inutile, on décida toutefois de leur répartir les rôles. Voilà pourquoi de nos jours « oppresser » s'emploie au sens de « gêner la respiration » ou d’ « accabler moralement », laissant à « opprimer » celui de « soumettre à une autorité injuste et violente ». Étonnamment, bien que différents, les deux verbes ont gardé le même substantif, en l'occurrence « oppression ». 
Ainsi va la langue française, éternel tyran qui nous opprime… et nous oppresse.

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