lundi 8 avril 2024

Un pour tous, tous pour un

Lu récemment : « Plus de 550 effectifs ont été engagés, afin de faire respecter les arrêtés préfectoraux d’interdiction de port et transport d’armes et d’organisation de combats de rue. » (Le Quotidien de la Réunion)

Je ne dirai jamais assez tout le « bien » que je pense de la prolifération anarchique du substantif « personnel » au sens de salarié, d'employé ou encore de membre d'une entreprise. Nous avons tous un jour croisé des phrases du type : « Air France va supprimer 58 postes, soit un tiers des personnels au sol à Toulouse selon la CGT. » Ou du genre : « Les quelque 12 500 étudiants et les 1 100 personnels de l'université du Mans (et Laval) ont un nouveau président. »

Seulement voilà, à peine le bougre a-t-il eu le temps de s'implanter sur le marché de l'emploi qu'il doit déjà faire face à la concurrence d'un autre nom collectif dévoyé, je veux parler du terme « effectif ». Si ce dernier n'a pas encore atteint la cote de popularité de son rival, il commence à se tailler un joli succès dans notre langage courant, à tel point que je vois mal comment la tendance pourrait s'inverser. 

Naguère, on parlait de l'effectif d'un club de football, d'une classe de primaire ou des effectifs déjà à flux tendu de la police nationale. De nos jours, à l'instar de « personnel », « effectif » ne décrit plus seulement un groupe d'individus, mais chaque individu qui le compose, une absurdité qui pourrait très bien accoucher de tournures telles que : « Les effectifs de l'effectif de l'entreprise sont tous réquisitionnés pour les fêtes. » Absurde. Effectivement. 

Face à une telle dérive langagière que rien ne justifie, l'Académie française est bien sûr sortie de ses gonds. Dans un billet publié le 6 mai 2021, elle rappelait qu'après avoir désigné à l'origine le « nombre de soldats d’une armée, d’une troupe », puis par analogie le « nombre d’individus qui composent une collectivité », « effectif » ne saurait s'appliquer à chacun des éléments composant un effectif. « On dira ainsi que l’on envoie un effectif de soixante-dix hommes, mais on ne parlera pas d’un envoi de soixante-dix effectifs », concluait-elle. La mise en garde était claire, mais je crains fort qu'elle n'ait déjà rejoint l'effectif ô combien étoffé de ces combats d'arrière-garde menés sous la Coupole. 

Pour terminer ce billet, une petite pensée pour les rescapés de mon ancien journal, Le Quotidien de La Réunion, lequel s'apprête à vivre dans l'espoir et la douleur un nouveau départ, à défaut peut-être d'une véritable renaissance. Nouveau patron, nouveaux projets nous dit-on, nouvelle organisation, nouvelles conditions de travail, nouvelle maquette sans doute et, pour recoller tristement à notre sujet du jour, nouvelle coupe franche dans des effectifs déjà faméliques… La partie est encore loin d'être gagnée. Bon courage, les copains. 

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