vendredi 10 mai 2024

Au bénéfice du doute

Lu hier : « Collecte record cette année pour Odysséa avec 283 000 euros. Des dons qui bénéficient directement aux malades du cancer du sein. » (Le Quotidien de La Réunion)

Doit-on dire « bénéficier de » ou « bénéficier à » ? Sur le sujet, l'Académie ne laisse aucun bénéfice au doute. « Le verbe "bénéficier" signifie "tirer profit ou avantage de quelque chose", ce qui implique que le sujet du verbe doit être bénéficiaire de telle ou telle mesure ou de tel ou tel avantage et non la mesure ou l'avantage eux-mêmes, expose-t-elle sous sa rubrique Dire, ne pas dire. On se gardera donc de faire la faute, malheureusement largement répandue, qui consiste à construire le verbe "bénéficier" avec pour sujet un inanimé et pour complément un nom introduit par la préposition "à" quand bien même cette construction se rencontre avec "profiter". »

Largement répandue ? C'est peu de l'écrire. En témoignent ces quelques extraits d'articles croisés lors de la seule journée d'hier :

– « […] présenter et réaliser de A à Z un projet porté par les citoyens, qu’il soit individuel, collectif ou associatif, mais à la condition qu’il bénéficie à l’ensemble de la collectivité et qu’il ait lieu sur la commune. » (La Dépêche du Midi)

– « […] explique Didier Deschamps, conscient que la forme du joueur pourrait aider les Bleus à conquérir un troisième titre continental et bénéficier à l’attaque française en évoluant aux côtés de ses coéquipiers Kylian Mbappé et Ousmane Dembélé. » (Ouest-France)

– « Le dispositif «Mouv'Emploi» devrait par la suite s’étendre pour bénéficier à une centaine de Drouais. » (capital.fr)

Les Immortels du quai Conti sont loin d'être les seuls à faire front contre l' décriée. Sans surprise, ils bénéficient du soutien inconditionnel de la doublette Littré-Grevisse. Plus étonnante est la position de Joseph Hanse, guère connu pour son conservatisme : « Bénéficier […] doit avoir pour sujet la personne ou la chose qui tire profit », affirme, sans ambages, le grammairien belge. Et que dire celle de Daniel Péchoin, Bernard Dauphin (Le Dictionnaire des difficultés et pièges de la langue française, Larousse) ou encore de Jean-Paul Colin (Dictionnaire des difficultés du français, Le Robert), pourtant acquis à la cause de maisons qui, passant outre aux mises en garde académiciennes, ont depuis longtemps adoubé sans réserve l'acception critiquée : « L'avancée technologique n'a pas bénéficié à tous. » (Larousse) ; « La croissance économique n'a pas bénéficié aux classes moyennes » (Robert).

L'Académie contre Le Robert ? Grevisse contre Larousse ? Puristes contre modernistes ? À vous de choisir votre camp. Pour ma part, il ne reste plus qu'à espérer que ce court billet vous aura été d'un quelconque bénéfice. 

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