Au premier regard, le doute m'a envahi. Et pour être honnête, il ne m'a toujours pas quitté. Certes, je ne l'ignore pas, « suspecter » est un verbe transitif et à ce titre, la phrase citée en introduction semble au-dessus de tout soupçon. Elle – en l'occurrence la police – suspecte quoi ? « Que cette drogue provient (sic) de La Réunion. » Suspecter que, après tout, pourquoi pas ?
Mais comme le bon saint Thomas, j'ai besoin de voir pour croire. Et j'ai eu beau chercher, aucun ouvrage de référence de ma connaissance ne fait mention d'une association possible entre le verbe « suspecter » et un complément d'objet direct introduit par « que ». Qui ne dit mot consent ? En revanche, tous rappellent, exemples à l'appui, que l'on suspecte quelqu'un ou quelque chose et que lorsqu'il n'est pas employé absolument, le COD est le plus souvent accompagné d'un second complément en « de ».
– « Elle suspecte son mari d’infidélité, d’être infidèle. » (Académie)
– « Sa doctrine a longtemps été suspectée d’hétérodoxie. » (Académie, encore !)
– « Suspecter une fraude » (Académie, toujours !)
Ou, enfin : « Le médecin qui l’a examiné suspecte un cancer. »
Pas gai, tout ça…
Larousse use du même registre :
– « La police le suspecte d'avoir commis le vol. »
– « Suspecter la loyauté de quelqu'un » (au sens de mettre en doute).
Robert lui emboîte le pas :
– « Il est suspecté de sympathies anarchistes, d'être proche du pouvoir. »
Et pour terminer, un petit crochet par Littré :
– « On l'avait suspecté d'hérésie. Suspecter la fidélité d'un domestique. »
Mais comme je vous le disais, pas la moindre allusion à la tournure qui nous occupe. Ce ne serait pas la première fois que les grands pontes de la langue se tapiraient dans le silence pour cacher leur embarras.
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