lundi 14 octobre 2024

Qu'importe le flacon...

Lu il y a trois jours : « Un jeune Saint-Paulois de 18 ans a été jugé pour avoir gravement blessé son beau-père alors que toute la famille était alcoolisée. » (linfo.re)

Faudrait-il que j'aie le rhum belliqueux pour livrer bataille à la dérive langagière qui, goutte après goutte, a fait d'« alcoolisé » un synonyme d' « alcoolique ». Me lancer dans pareille aventure relèverait du combat d'arrière-bar. Certes, nombreux sont les ouvrages de référence à condamner cet amalgame. Leurs auteurs (Grevisse, Thomas, Hanse, Dupré ou encore Girodet) nous y enjoignent de ne pas faire de mélanges. « Alcoolisé » qualifie une boisson à laquelle on a ajouté de l'alcool (un grog, par exemple), clament-ils d'une même voix ; « alcoolique » signifie « qui contient naturellement de l'alcool ». C'est le cas du vin, du whisky, du gin, du porto, du calvados, j'en passe et des plus grisants.
Mais il faut bien l'avouer, les ouvrages en question commencent à sentir la poussière. Il y a d'ailleurs beau temps que les dictionnaires usuels se sont laissé enivrer par l'usage autrefois prohibé. « Qui contient de l'alcool », peut-on lire à l'entrée « alcoolisé » du Grand Larouse illustré et du Petit Robert. « Plus étonnant est de retrouver la même définition chez la sobre Académie. Nos chers Immortels auraient-ils abusé de la dive bouteille ? 
En revanche, contrairement à nos Dupond et Dupont de la langue, les locataires du quai de Conti ne cautionnent pas – encore – l'emploi d' « alcoolisé » pour évoquer une « personne sous l'emprise de l'alcool » (notez qu' « empire » eût été plus approprié). Et encore moins, le fait de qualifier d' « alcoolisé(e) » un repas, une troisième mi-temps ou une virée entre potes par trop arrosés, tournures que les médias consomment depuis longtemps jusqu'à plus soif. 
– « Grièvement blessée hier, vers 1 h 30 du matin, par plusieurs coups de couteau après un dîner alcoolisé dans un appartement, rue Guillaume-Berdeil, à Frouzins, au centre-ville, la victime, Akim Bouderouaya, a été transportée en urgence au CHU Rangueil. » (La Dépêche)
  « Il y a quelques semaines, les tabloïds anglais, se faisaient les choux gras d’une sortie très alcoolisée d’un Jason Statham très bien entourés de jeunes filles avec qui il a pris plaisir à flirter. » (Gala)
– « Il aurait poignardé à neuf reprises son père, dimanche 6 octobre, après une soirée alcoolisée. » (Ouest-France)
Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. 

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