Faudrait-il que j'aie le rhum belliqueux pour livrer bataille à la dérive langagière qui, goutte après goutte, a fait d'« alcoolisé » un synonyme d' « alcoolique ». Me lancer dans pareille aventure relèverait du combat d'arrière-bar. Certes, nombreux sont les ouvrages de référence à condamner cet amalgame. Leurs auteurs (Grevisse, Thomas, Hanse, Dupré ou encore Girodet) nous y enjoignent de ne pas faire de mélanges. « Alcoolisé » qualifie une boisson à laquelle on a ajouté de l'alcool (un grog, par exemple), clament-ils d'une même voix ; « alcoolique » signifie « qui contient naturellement de l'alcool ». C'est le cas du vin, du whisky, du gin, du porto, du calvados, j'en passe et des plus grisants.
Mais il faut bien l'avouer, les ouvrages en question commencent à sentir la poussière. Il y a d'ailleurs beau temps que les dictionnaires usuels se sont laissé enivrer par l'usage autrefois prohibé. « Qui contient de l'alcool », peut-on lire à l'entrée « alcoolisé » du Grand Larouse illustré et du Petit Robert. « Plus étonnant est de retrouver la même définition chez la sobre Académie. Nos chers Immortels auraient-ils abusé de la dive bouteille ?
En revanche, contrairement à nos Dupond et Dupont de la langue, les locataires du quai Conti ne cautionnent pas – encore – l'emploi d' « alcoolisé » pour évoquer une « personne sous l'emprise de l'alcool » (notez qu' « empire » eût été plus approprié). Et encore moins, le fait de qualifier d' « alcoolisé(e) » un repas, une troisième mi-temps ou une virée entre potes par trop arrosée, tournures que les médias consomment depuis longtemps jusqu'à plus soif.
Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse.
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