jeudi 10 octobre 2024

Dernier de la classe

Lu la semaine dernière : « Saison cyclonique : regain d’activité pour Ancha, le système à nouveau classifié en tempête tropicale modérée » (linfo.re)

Pourquoi faire simple quand on peut faire… complexifié ? J'ai déjà eu l'occasion de déverser sur ce blog tout mon fiel sur l'emploi abusif de termes tels que problématique, méthodologie, technologie ou thématique là où de simples problème, méthode, technique ou thème feraient bien mieux l'affaire. La liste est longue. Parmi tous ces mots utilisés en dépit du bon sens, par ignorance ou par pédanterie, j'ajouterais volontiers le verbe « classifier ». Autrefois circonscrit aux domaines de la botanique et de la zoologie, le bougre tend à se répandre dans notre langage en lieu et place de son voisin de pallier « classer ». Ben voyons, c'est tellement plus… classieux ! 
À toutes fins utiles, le très sérieux Office québécois de la langue française rappelle pourtant que si « les verbes classer et classifier sont apparentés par la forme et le sens, […] leurs significations sont différentes. « Classer signifie "ranger dans une classe" ou "répartir dans des classes", tandis que classifier a le sens de "déterminer des critères de classement, définir des classes"». 
Le non moins sérieux Jean-Paul Colin (Dictionnaire des difficultés du français, éditions Le Robert) en remet une couche : « […] Quant au verbe classifier, qui, contrairement à ce qu'on serait tenté de croire, est beaucoup plus ancien que classer, il désigne l'action d'établir et de définir les classes elles-mêmes plutôt que celle de répartir ou classer. » 
On dira donc à bon droit : 
– Faute de les avoir classés, cette secrétaire ne retrouve plus ses papiers.
– Le pêcheur retraité voudrait classer au patrimoine son vieux chalutier en bois.
– Le naturaliste suédois Carl von Linné a classifié la flore.
Et, pour reprendre l'extrait d'article cité en introduction : 
– Saison cyclonique : regain d’activité pour Ancha, le système à nouveau classé (ou élevé, rétrogradé au stade de, selon les goûts) en tempête tropicale modérée.
En résumé, la classification crée les cases à remplir, le classement les remplit. Mais vous vous doutez bien que l'usage – sous l'influence de l'anglais to classify, paraît-il – fait souvent fi de cette subtile distinction et qu'en la matière, nos chers médias font figure de derniers de la classe.  
– Wilander : « Si Alcaraz gagne ce Wimbledon, alors on ne parlera déjà plus d’Agassi, de Connors, de Lendl ou de moi quand on cher­chera à le clas­si­fier. (We love tennis)
– Un ex-colonel américain accusé de divulguer des informations classifiées… sur un site de rencontre. (Ouest-France)
Quelque chose me dit que ce dossier-là est loin d'être classé. 

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