lundi 17 février 2025

Respectivement vôtre

Lu récemment : « À l’issue des deux jours de compétition, cinq de nos représentants ont été sacrés champions de France dans leur catégorie respective. » (linfo.re) 

Tous les grands penseurs de la langue vous le diront : l'adjectif « respectif » peut s'employer indifféremment au singulier et au pluriel. Mais « le pluriel est plus fréquent », prennent soin d'ajouter Jean Girodet, Jean-Paul Colin ou le duo Péchoin-Dauphin, « plus logique » aussi, selon Adolphe Thomas. Et c'est sans doute au nom de cette logique bafouée que plus de trois siècles durant, l'Académie ignora l'emploi au singulier dudit mot. Une disparition qui, comme par hasard, coïncida avec celle d'une des acceptions jusque-là en vigueur : « relatif, qui a rapport », la seule qui, à mes yeux, semblait justifier l'utilisation du singulier. 
De nos jours, le terme est unanimement admis – à défaut d'être compris – au sens de « qui concerne chaque unité d'un ensemble d'êtres ou de choses ». Un sens distributif qui devrait donc, toujours selon la logique exprimée par Girodet, limiter l'emploi de « respectif » à sa forme plurielle. En effet, sauf singulière erreur de ma part, un élément unique ne se distribue pas, il s'attribue. 
Ne m'en déplaise, l'emploi du singulier est de plus en plus présent dans nos pratiques langagières. Il a même retrouvé grâce auprès de nos chers Immortels qui lui ont redonné vie dans la dernière édition de leur dictionnaire. Pour autant, le trouble demeure palpable chez de nombreux usagers. Selon un décompte personnel effectué sur le web, le recours au pluriel reste très largement prédominant : 65 % contre 35 % au singulier. Afin d'éviter toute confusion, le très sérieux Office québécois de la langue française nous conseille d'ailleurs de nous abstenir d'employer « respectif de manière superflue lorsqu'il ne permet en rien d'améliorer la clarté d'un énoncé », ce qui est souvent le cas. Une suggestion pleine de bon sens dont l'auteur de la phrase citée en introduction aurait eu la riche idée de s'inspirer. Ainsi aurait-il pu écrire : « À l’issue des deux jours de compétition, cinq de nos représentants ont été sacrés champions de France dans leur catégorie ». Ou plus sobrement : « À l’issue des deux jours de compétition, cinq de nos représentants ont été sacrés champions de France. » 
Je sais, vous allez me dire qu'une fois encore je cherche du grain à moudre sous la roue de moulins à tout jamais disparus. 
Mais n'est-ce pas ce touche-à-tout génial de Blaise Pascal qui, évoquant les pouvoirs respectifs du pape et de l'Église, affirmait : « La multitude qui ne se réduit pas à l’unité est confusion. L’unité qui ne dépend pas de la multitude est tyrannie. » ?

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