Lu il y a quelques heures : « Epuisés par le covid, les hospitaliers locaux au bord du craquage. » (Le Quotidien de La Réunion)
Ce matin, à la lecture de mon journal préféré, je suis resté en arrêt devant un titre d'article qui a eu pour effet de stopper net le cours de mon petit-déjeuner. Bien qu'ayant saisi le sens du message, je ne me rappelais pas avoir déjà croisé la route du terme « craquage », pas même dans un couloir d'hôpital. « Pétage », oui; « craquage », non.
Me disant qu’après tout, ma tartine de pain beurrée pouvait bien attendre, je me précipitais par curiosité sur le premier dictionnaire usuel venu, mon Petit Larousse illustré 2021. Le hasard me semblait avoir eu la main heureuse, la maison Larousse se montrant une hôtesse fort accueillante pour tout néologisme en quête d'un toit. Mais hélas ! mille fois hélas ! rien, rien de rien. Je dénichais bien un craquelage, un craquelin, un craquement, un craquèlement et même un craquètement (quelle fratrie !), mais point de craquage.
Agacé (il m'en faut peu pour l'être), je me tournais donc vers une sacrée pointure en la matière : le Dictionnaire historique de la langue française du regretté Alain Rey et là, eurêka ! Avatar de l’anglicisme « cracking », le « craquage » serait « un procédé de raffinage du pétrole par distillation fractionnée », lisais-je. Littré me le confirmait dans la foulée alors que la 9e édition du dictionnaire de l'Académie française se contentait, à l'entrée « craquer », d’un évasif « traiter par craquage ». Pas la moindre évocation, en revanche, d’un quelconque trouble psychologique.
Mes nerfs étaient sur le point de lâcher quand je décidais de sortir ma botte secrète, en l'occurrence Le Petit Robert, incomparable refuge des mots et sens que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Et en effet, page 579, entre « crapuleux » et « craquant », je finissais par débusquer l'oiseau rare, affublé des acceptions auxquelles je ne croyais plus : « défaillance nerveuse », « fait de céder brusquement à une envie ».
Conclusion : si Robert le dit, « craquage » n'est donc pas hors la loi (sans traits d'union contrairement au substantif hors-la-loi) et voilà notre journaliste lavé de toute bévue, d’autant que le terme en question n’a pas attendu l’adoubement unanime des linguistes pour envahir la Toile sous des déclinaisons aussi diverses qu’inattendues : « craquage d’un fumigène », « craquage de Boston contre les Bulls », « craquage des réseaux sociaux »…
Quel « déprimage » !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire