Lu ce matin : « Parmi les mesures annoncées dans ce plan d’action figure la mise en place d’un baromètre du suivi des prix d’une soixantaine de produits de grande consommation par un organisme indépendant reconnu pour son expertise dans l’analyse statistique et le secteur de la grande distribution. » (Clicanoo)
Il est des termes qu’il est de bon ton d’employer pour ne pas passer pour un ringard. « Expertise » fait partie de ces mots à la mode que l’on nous sert à longueur de discours et à tour de médias. « École d'armurerie de Saint-Étienne : la voie de l’expertise » (Le Républicain lorrain) ; « Marianne vous apporte son expertise sur le sujet » (Marianne) ; « Bruno Cheyrou : « Je veux apporter mon expertise à l'Olympique Lyonnais » (Ouest-France)…
Il n’y aurait guère matière à s’en plaindre si le vocable concerné n’avait pris un tour osé que la chaste pupille des linguistes ne saurait voir. « Le nom ''expertise'' désigne, par exemple dans le domaine judiciaire, l’examen fait par un expert de telle ou telle situation, de tel ou tel cas. Il ne doit pas être employé avec le sens d’ ''expérience'', qu’il n’a plus depuis la fin du Moyen Âge. Il ne doit pas non plus remplacer des termes comme ''compétence'' ou ''savoir-faire'' », explique l’Académie.
Pourtant, comme le susurrent eux-mêmes les sages du quai Conti, le récent glissement de sens ne serait qu’un juste retour aux sources. Alain Rey le confirme dans son Dictionnaire historique de la langue française. « D’abord « espertise » (XIVe s., « habileté, adresse, expérience ») puis « expertise » (1580, Montaigne) », expertise « a repris des emplois parallèles à ceux du substantif ''expert''. Le mot sert d’équivalent français à ''know-how'', traduit autrement par ''savoir-faire''. Et c’est sans surprise que Le Robert a suivi la voix de son maître et ouvert ses bras à l’acception honnie (''compétence dans un domaine précis''), précisant que si « le mot a été repris à l’anglais, il est conforme à l’étymologie et à la morphologie. »
Larousse n’a pas eu la même audace et se cantonne à évoquer l’ « expertise d'un appartement, d’une œuvre d'art, d'une pièce de mobilier, etc., pour en attester l’authenticité ». Une prudence étonnante de la part de l'intéressé, mais partagée par la majorité des… « expertisés » de la langue française.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire