Trop complexes pour les uns, qui les fustigent, très subtils pour les autres, qui les défendent, les principes régissant l’emploi de la majuscule nous font parfois perdre le Nord, à moins que ce ne soit… le nord. Le chapitre consacré aux points cardinaux n’échappe pas à la règle, les spécialistes en la matière ayant bien du mal à accorder leur boussole, comme vous le constaterez en allant plus avant dans ce billet.
Hier, entre deux averses, je lisais sur un site local d’information que « les précipitations en cours sur le Nord et sur l’Est de l’île » (il eût fallu écrire « nord » et « est ») allaient sans doute se prolonger quelque temps. Malédiction ! Nous allons encore être inondés de communiqués de Météo France nous abreuvant d’une pluie de tristes augures : que notre matinée à la plage avec les enfants va faire plouf ou que le pique-nique en famille (ah non, ça c’est péché sanitaire !) prévu le week-end prochain tombe à la flotte.
Si la journée promet d’être humide, ce n’est pas cette raison, aussi déprimante fût-elle, qui m’a conduit ce matin à venir tapoter sur le clavier de mon ordinateur, mais plutôt la question suivante : dans quel(s) cas doit-on faire porter la majuscule à un point cardinal ?
Procédons avec méthode. Rappelons d’abord que le point cardinal (ou ses composés) est un nom commun dont la fonction première est d’indiquer une direction, une orientation. Dans ce cas, il ne prend évidemment pas de majuscule. Exemples : à l’ouest rien de nouveau ; Marseille est au sud de Lyon ; les vents soufflent du nord ; un appartement exposé à l’est...
Il s’écrit également en bas de casse lorsqu’il est suivi d’un complément de lieu : le sud de la France, le nord de l’île. En revanche, la majuscule s’impose quand, employé seul, il désigne une région clairement identifiée ou quand il entre dans la composition d’un nom propre géographique : le Sud (de la France, de La Réunion…) est une région chaude ; l’Afrique du Sud est un magnifique pays ; le Grand Nord canadien est une mystérieuse contrée ; la réunification de Berlin-Est et de Berlin-Ouest fut un événement majeur dans l’histoire de l’Allemagne.
Le point cardinal peut par ailleurs prendre une valeur adjectivale. Il est alors invariable et ne requiert pas de majuscule : le quartier nord de Marseille, la côte ouest de l’Italie, le boulevard sud de Saint-Denis.
L’homonymie entre le point cardinal « est » et la forme verbale « est » peut prêter à confusion. Ecrire « la côte est submergée par les eaux » signifie-t-il que la côte est (point cardinal) se trouve submergée par les eaux ou que la « côte » est (verbe être) submergée par les eaux ? Afin de favoriser une meilleure compréhension, il est de bon sens d’user de souplesse et donc, de ne pas hésiter à avoir recours à la majuscule.
On retrouve cette dernière dans les expressions pôle Nord et pôle Sud où Nord et Sud font office d'éléments spécifiques du nom générique « pôle ». Le point cardinal est ici assimilé à un nom propre et non plus à un adjectif. Même chose pour « Blanc » dans mont Blanc, « Rouge » dans mer Rouge ou « Bleu » dans bassin Bleu.
Pour des raisons pas très claires (est-ce vraiment une surprise ?), l’usage est flottant autour des formules « hémisphère Nord (ou nord) » et « hémisphère Sud (ou sud). Jean Girodet (Dictionnaire des pièges et difficultés de la langue française) prône l’emploi de la majuscule, aspirant dans son sillage le Grand Larousse illustré, Karine Germoni (Majuscules, abréviations et symboles), Michèle Lenoble-Pinson (Le Français correct) ou encore Jean-Pierre Colignon (Dictionnaire orthotypographique moderne). Parmi les principaux partisans de la minuscule figurent Le Petit Robert et le Lexique des règles typographiques en usage dans l’imprimerie nationale. Pas davantage d’union sacrée dans la presse écrite qui avance à tâtons. Le Monde écrit le plus souvent « hémisphère nord » mais parfois « hémisphère Nord ». Le Figaro semble préférer « hémisphère Nord ». Libération hésite, au même titre que L’Express ou le Nouvel Obs.
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