Quelle ne fut pas ma surprise - et ma joie taquine - de lire hier sur un site « ennemi » qu’une « saisine » de 28 lingots d’or en provenance de Madagascar avait été réalisée le 28 décembre à l’aéroport de Moroni. N’allez pas croire que je pensais les douanes comoriennes incapables de réaliser une telle prise. Ce n’est pas tant le fond que la forme qui me fit décoller de mon moelleux canapé. Sans être, je l’avoue, un grand spécialiste des questions juridiques, qui me barbent prodigieusement, l’emploi du terme « saisine » me sembla pour le moins inapproprié pour ce coup de filet qui présentait à mes yeux tous les symptômes d’une « saisie ».
Par acquit (avec un « t ») de conscience, je me plongeai tout de même dans mes « ouvrages de référence » comme disent les linguistes (que je ne suis pas, le Covid suffit bien au malheur de notre planète) pour avoir confirmation du bien-fondé de mes doutes. Le Dictionnaire de l’Académie française me rassurait aussitôt. En droit civil, une saisine est la « prérogative d’un héritier à qui est reconnu le droit d’entrer en possession d’une succession sans devoir solliciter une autorisation préalable ». En termes de procédure, c’est l’« action de porter une question, une affaire devant une autorité compétente pour que celle-ci statue ». On parle ainsi de « pouvoir de saisine », de « la saisine d’une cour lors d’une instruction judiciaire », de « saisine pour avis », de « saisine au fond », de la « saisine du Conseil constitutionnel » ou « du conseil de prud’hommes. » C’est enfin, dans le domaine de la marine, un « cordage servant à fixer ou à soulever du matériel, un conteneur, etc. ».
Rien à voir donc avec « saisie ». Quoique… À y regarder de plus près, on est fondé à se dire que « saisine » a tout du terme ancien dont le champ d’action s’est réduit au fil des ans. Nourri du même terreau que « saisie », il a la faveur de l’antériorité. Le terme « saisine » est en effet apparu au début du XIIe siècle en droit féodal au sens d’ « action de saisir », de « prise de possession, mise en possession » et « plus généralement » d’ « emprise que l’on a sur quelqu’un », nous explique Alain Rey dans son très précieux Dictionnaire historique de la langue française. Le mot fut ensuite réservé au domaine du droit, laissant, entre autres acceptions, au plus récent (XVe siècle) participe passé substantivé « saisie » celle de « prise de possession d’objets prohibés, interdits par l’autorité publique ».
Si la confusion entre les deux vocables reste fréquente, elle sévit la plupart du temps au détriment de « saisine », souvent remplacée à tort par sa proche cousine « saisie ». Il me fallut d’ailleurs déployer des trésors de patience (une qualité qui vaut bien 28 lingots d’or) pour dénicher sur la Toile un exemple d’erreur similaire à celle de mes étourdis confrères du site concurrent. À force de ténacité, je finis par trouver l’oiseau rare. Je vous le livre, il nous vient du site d’information sénégalais actusen : « La Brigade de la gendarmerie de Mbour vient de frapper fort avec la saisine d’une importante quantité de cocaïne. »
Une ligne (de coke, bien sûr !) de plus à inscrire en lettres d'or au palmarès de la maréchaussée locale. Vous m’en voyez saisi d’admiration.
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