lundi 17 janvier 2022

Morbide n'est pas macabre

Non content de s’être propagé dans nos corps, le Covid a aussi contaminé nos habitudes de langage. On ne dit plus « je n’ai pas de monnaie pour acheter le pain », mais « je ne vais pas passer à la boulangerie parce que j’ai oublié mon masque ». On ne dit plus « où va-t-on en vacances ? », mais « à quand remonte ta troisième dose ? » On ne dit plus « tiens-toi éloigné », mais « respecte la distanciation physique » et on ne dit plus « vos papiers ! » mais « contrôle du pass sanitaire ! » On ne dit plus, on ne dit plus, on ne dit plus... Ainsi va la co-vie-d. 

Puisqu'il faut bien se consoler comme on peut, il est au moins un mot à qui la crise sanitaire aura profité en le propulsant sur le devant de la scène. Je veux parler du terme « comorbidité », l’un des vocables tristement à la mode en cette période d'intense "covidation". Il n’est pas un communiqué de nos ARS (Agence régionale de santé) qui n’en fasse mention. Il est partout. A la bouche de nos hauts dirigeants, de nos élus, de mes confrères journalistes et par transmission épidémique, de nous-mêmes. En voici quelques récents exemples puisés sur la Toile : « Pour les plus de 65 ans et les personnes souffrant de comorbidité, l’injection de la dose de rappel a débuté en septembre et la date butoir était le 15 décembre » (Linfo.re) ; « Il souffrait de fortes comorbidités » (Zinfos974).

Petit rappel pour les chanceux qui sortiraient de deux ans d'hibernation, la comorbidité est « l’association de deux maladies, psychiques ou physiques, fréquemment observée dans la population (sans causalité établie, contrairement aux complications) et l’état qui en résulte », nous dit Larousse. 

Si « comorbidité » a bénéficié d’un aussi incroyable que dramatique coup de projecteur sanitaire, « morbide », son adjectif génétiquement associé, continue de souffrir d’une funeste confusion avec son voisin de chambre  « macabre ». Or, les deux mots ne sont pas synonymes. Pour faire simple, le premier se rapporte à la maladie quand le second évoque la mort. Il convient donc ne pas les employer indifféremment, bien que par les variants qui courent, les deux soient (hélas !) « viralement » liés. 

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