dimanche 30 janvier 2022

Ultime conviction

Lu samedi : « Belgrade accuse régulièrement Tirana et Pristina d’avoir pour but ultime de regrouper dans un même Etat les communautés albanaises des Balkans.
 » (Le Quotidien/AFP)

« Trailer ultime », « tueur ultime », « combat ultime », « référence ultime », « génération ultime », « affront ultime », « cadeau d’anniversaire ultime »… Sans doute sous l’influence de l’anglais « ultimate » (ultime, dernier, mais aussi parfait, suprême), l’adjectif « ultime » est devenu un terme passe-partout pour exprimer tout ce qui relève de l'exceptionnel, de l'incroyable, de l'incomparable, de l'inégalable. En cherchant bien, j'ai même déniché un « Schubert ultime » aux tonalités dissonantes pour qui croit connaître la musique en matière de français. 

Personnellement, j’en étais resté à une gamme d’emplois réduite au simple fait qu’ « ultime » ne fût rien d’autre que le synonyme de « dernier ». Je dois l’avouer, j’aurais dû m’inquiéter face à l’étonnant mutisme manifesté sur le sujet par nos grands penseurs de la langue française. Ni Grevisse, ni Girodet, ni Thomas, ni Hanse, pour ne citer qu'eux, n’ont pris la peine d'aborder la question, habituel réflexe d’évitement du linguiste en difficulté. 

Sous sa rubrique « Dire, ne pas dire », l’Académie, quant à elle, exprime une bien curieuse mise en garde. « Est ultime ce qui est le plus éloigné dans le temps ou dans l’espace, et au-delà duquel il n’y a plus que le néant », affirment dans un premier temps nos chers Immortels. « Par extension, nous expliquent-ils, ultime qualifie aussi ce qui vient en dernier dans une liste, dans une suite ordonnée, dans une progression. On peut ainsi atteindre le degré ultime du désespoir ou parler du but ultime de tel ou tel individu. En ce sens, ce qui est ultime ne saurait être dépassé, mais on se gardera bien d’étendre l’emploi de cet adjectif jusqu’à en faire un synonyme de ''parfait'' ou ''suprême'', sens qui malheureusement tend à se répandre, en particulier dans le domaine des productions humaines. » 

Autant dire que les vieux sages du quai de Conti ouvrent une porte… et la referment aussitôt au nez de qui cherche à comprendre. Auraient-ils perdu la boule ? En effet, partant du principe qu’ils énoncent eux-mêmes, « parfait » n’est-il pas le degré le plus élevé de la qualité et « suprême », le plus haut degré d’une hiérarchie ? Dès lors, en quoi serait-il condamnable de parler d’un duel ultime (le plus important d’une saison ou d’une carrière), ou d'une consécration ultime (la consécration la plus élevée, le summum d’une vie), à ne pas confondre avec l'ultime consécration (la dernière consécration) ? 

Peu enclin à m’aventurer sur le sentier mal balisé tracé par les Académiciens, je m’en tiendrai donc à mon idée première. Et surtout, aux seules définitions à avoir trouvé grâce aux yeux des dictionnaires usuels : « dernier dans le temps » (Larousse) ; « dernier, final (dans le temps) » (Robert) ; « qui est placé au dernier rang, dernier dans le temps » (Littré). 
Et il en sera ainsi… jusqu’à mon souffle ultime.

Remarque : Au sens de « dernier but », l'expression « but ultime » est bien sûr un vilain pléonasme à éviter. 

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