dimanche 6 février 2022

Batsirai : un météore passe

Lu samedi : « À vrai dire, la situation météo est restée très pénible, très arrosée, très ventée en dépit de l'éloignement du météore qui était, à plus de 300 km de La Réunion. » (Imaz Press Réunion)

Peut-on dire d’un cyclone qu’il est un météore (et pas une, météore est un « pépère ») ? En bon Normand, je vous répondrai « p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non ». « Oui », si l’on s’appuie sur la définition originelle du mot, « non » si l’on se laisse emporter par le glissement de sens dont il a été victime lors du siècle écoulé. 
Dans la 8e édition de leur dictionnaire, bouclé en 1935 après 37 années de dur labeur (Batsirai n’est pas le seul à se déplacer à vitesse modérée !), les Académiciens nous expliquaient encore qu’un météore, du grec meteôra (phénomènes ou corps célestes), était au sens large un « phénomène atmosphérique », citant en exemples « le tonnerre, les éclairs, la pluie, la neige, la grêle et l’arc-en-ciel ». 

Quatre-vingt-sept ans plus tard, alors qu’ils planchent toujours sur le 9e tome de leur ouvrage, les Immortels parlent à l’imparfait de la définition qu’ils ont défendue sans mollir durant 328 ans. « Se disait des phénomènes célestes. Le tonnerre, les éclairs, la pluie, la neige et autres météores. », ont-ils rectifié, avant d’énoncer la nouvelle acception en vigueur : « corps céleste qui s’embrase au contact des couches supérieures de l’atmosphère en laissant une trace lumineuse fugace dans le ciel (dans la langue courante, on dit étoile filante) ; le phénomène lumineux ainsi observé. Briller, passer comme un météore. » Au figuré, « se dit d’une personne qui a une renommée éclatante mais passagère, ou d’une chose qui fait une impression vive, mais peu durable. » Difficile de reconnaître dans ces notions de fugacité et de brillance le phénomène météorologique lourd et sombre qui a secoué notre île pendant 48 heures. 

La maison Robert s’est clairement rangée derrière l’avis de l’Académie. « Météore n’a conservé le sens grec de ‘’phénomène se produisant dans l’atmosphère’’ que dans l’usage didactique », tranche Alain Rey, dans son Dictionnaire historique de la langue française. Le Petit Robert a suivi la voie (ou voix, je vous laisse le choix) de son maître et qualifie ledit sens de « vieux et didactique » dans son édition 2021. 

N’allez pas penser, pour autant, que le dossier soit classé. À l’inverse de leurs concurrents, Larousse et Littré manifestent d’évidents scrupules à tirer un trait sur le passé. Le premier continue de faire d’un météore « tout phénomène observé dans l'atmosphère, à l'exception des nuages » quand le second évoque « tout phénomène qui se passe dans les régions supérieures de l’atmosphère, tout phénomène de chaleur, de lumière, d’électricité, qui se passe à la surface de la terre, en relation avec l’atmosphère, et aussi différents états de l’atmosphère elle-même ». 
Et dire que certains croient encore que la langue française est une région de notre patrimoine épargnée par les vents contraires !

Remarque : ne pas confondre « météore » avec « météorite », nom féminin, parfois masculin dans le jargon scientifique, qui désigne un fragment de corps céleste qui tombe sur la Terre. 

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