mardi 8 mars 2022

Éponyme, donne-moi ton nom

Lu il y a deux jours (mais corrigé avant parution) : « Il sera dans son île pour retrouver ‘’Ma famille’’ et justement tourner à La Réunion quelques moments forts du clip de la chanson éponyme. » (Le Quotidien)

Il n’est de plus rude combat à mener au sein d’une rédaction que celui visant à défendre le véritable sens du mot « éponyme ». Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai dû affronter les yeux stupéfaits d’un de mes collègues et cette phrase qui a le don de briser tout ce qu’il vous reste d’énergie à vouloir convaincre : « Non, je laisse comme ça, sinon les gens ne vont pas comprendre. » 

Voilà comment 75 % des journaux, selon mes statistiques, sans compter les écarts de langage de la presse parlée, emploient ledit mot à contresens. « Ne peut être qualifié d’éponyme que le personnage (réel ou imaginaire) qui donne son nom à quelque chose (et non ce qui tire son nom de quelque chose ou qui possède le même nom) », martèle pourtant Marc Raynal. Le fondateur du blog « Parler français » ne fait que répéter le message adressé en chœur par tous les linguistes, pour une fois sur la même longueur d’onde. Tous, sauf bien sûr l’éternel ramasse-poussière qu’est le Robert. Le dictionnaire cher à Alain Rey est le seul à mentionner le sens « moderne » (qui prend le nom de) d’ « éponyme », celui-là même que son frère ennemi Larousse qualifie fort justement d’ « abusif ». 

Mais enfin, pourquoi « éponyme » voudrait-il dire autre chose que ce qu’il dit quand on sait qu’il est issu du grec epônumos, « qui donne son nom » ? On dira donc que à bon droit que Phèdre est l’héroïne éponyme de la tragédie de Jean Racine (elle lui donne son nom), qu’Athéna est la déesse éponyme d’Athènes, que Gustave Eiffel est l’ingénieur éponyme à qui l’on doit la tour du même nom, mais on ne dira pas « Catherine Van Robaerys, de la pharmacie éponyme basée à Berneval-le-Grand » (c’est Catherine Van Robaerys qui a donné son nom à l'officine) ou « près de 200 cyclistes attendus dimanche à Lestaridec pour la course éponyme (c’est Lestaridec qui est la commune éponyme) ». 

Hélas ! comme souvent, l’usage n’a que faire des arguments sémantiques. Et j’ai bien peur qu’il soit trop tard pour stopper cette même vague coupable qui a permis à l’adjectif « achalandé » (qui attire de nombreux clients ») de s’imposer dans le langage courant (et dans Le Petit Robert, cela va sans dire) au sens de « bien approvisionné ». Il paraît que tout cela porte un nom : progrès.

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